Le projet d'amélioration du réseau routier Bamako-Dakar, qui a remporté, le 8 juin 2012 à Washington DC, le prix d'excellence du Trésor américain pour «le projet à fort impact sur le développement en Afrique», est assurément un des projets phares de la Banque africaine de développement (BAD).
Ce prix est la reconnaissance des engagements de la Banque, visant à renforcer l'intégration économique et la coopération sous-régionale en Afrique de l'Ouest; à ouvrir les pays de l'hinterland et d'établir un lien routier permanent entre le Mali et le Sénégal. Le prix reconnaît également les efforts de la BAD visant l'élimination des contraintes sur le mouvement des biens et des personnes. Cette action constituant une manière de réduire les coûts globaux de transport et de favoriser les échanges économiques entre les deux pays.
Se faisant l'écho des réactions suscitées chez les bénéficiaires du projet, Mme Leila Mokaddem, représentante résidente de la BAD au Sénégal a indiqué que ce prix est un véritable cas de succès, « qui renforce l'intégration du Mali et du Sénégal, et raffermit le concept de la Banque en matière de croissance durable et inclusive.» Elle a poursuivi en indiquant que : «Le projet a pris en compte les pistes rurales, la réhabilitation de centres de santé, d'écoles primaires ; la construction de cases de santé pour permettre aux matrones traditionnelles de faire accoucher les femmes dans des conditions acceptables dans les villages dépourvus d'infrastructures adéquates.»
L'équipe de conception et de mise en oeuvre du projet, dirigée par Bamory Traoré, expert en chef des transports, et comprenant Mmes Lalla Maiga, spécialiste des questions sociales, Maïmouna Diouf-Sidibé, ingénieur routier et MM. Moctar Mbodj, économiste des transports, Leckram Joottun, environnementaliste, Mamady Souaré, ingénieur des transports et Abdoulaye Tandina, expert en infrastructures, se réjouit de cette « juste récompense au travail de la BAD.»
M. Bamory Traoré est quant à lui revenu sur les spécificités du projet, ainsi que sur les défis et contraintes liés à sa mise en oeuvre. Il a expliqué le rôle de l'approche participative adopté par l'équipe dès la phase préparatoire du projet.
«La Banque a développé et mis en oeuvre un concept d'aménagement, prenant en compte les besoins en équipements sociaux-économiques exprimés par les populations bénéficiaires, » a-t-il dit, soulignant que cette approche participative des populations, a permis de sillonner tout le parcours du projet de Bamako à Dakar, et de communiquer dans les langues du terroir avec les bénéficiaires. Ces concertations ont eu lieu de Kita au Mali et à Kédougou au Sénégal, et a permis d'ouvrir les débats et de capter les besoins réels dans des zones enclavées ne bénéficiant pas de tous les équipements sociaux économiques, a-t-il dit.
Il précise par ailleurs que : «L'équipe a ainsi pris en compte des besoins concernant la construction de forages pour réduire la corvée d'eau pour les femmes et les jeunes filles, la nécessité de mener une campagne de sensibilisation par les radios locales sur les maladies sexuellement transmissibles, notamment, le SIDA, sur les mariages et grossesses précoces de jeunes filles, de mutilations génitales des jeunes filles. »
Ce projet routier a été approuvé par le Conseil d'administration du Fonds africain de développement, en décembre 2005, au titre d'un prêt (83 millions de dollars) et d'un don (11,2 millions de dollars). Compte tenu de sa complexité, sa réussite réside, non seulement dans l'expérience et le savoir-faire de la Banque, mais dans les partenariats et les efforts de collaboration engagés avec d'autres institutions, en vue de la mobilisation du financement. Par ailleurs, la réalisation des acquisitions pour la mise en oeuvre du projet a été menée de manière indépendante et synchronisée dans les deux pays.
Globalement, l'aménagement routier a permis de résoudre les problèmes liés au transport dans un pays enclavé comme le Mali et d'assurer son désenclavement au moindre coût. Outre le désenclavement des zones agricoles riches de ce pays, (Kati-Falémé) le projet a fait une part belle aux aménagements connexes qui prennent en compte les besoins les plus élémentaires des populations dans des secteurs socioéconomiques autres que le transport, ajoutent les experts.
Leçons à tirer pouvant permettre à la Banque d'engranger d'autres projets à succès ?
Selon les membres de l'équipe, pour un projet d'une telle envergure (un corridor de 1200 km, et d'un coût de 200 millions d'unités de compte) les défis sont énormes et doivent être abordés dès la conception du projet. Pour ce faire, la Banque engrangerait beaucoup plus de projets à travers la mise en place d'une équipe pluridisciplinaire de projet au sein de l'institution bénéficiant d'un bon leadership pour concevoir le projet ; une bonne préparation du projet aussi bien sur le plan des études techniques que dans la conception du projet, en misant sur le temps nécessaire pour la maturation du projet (études techniques récentes ou actualisées, plusieurs missions de préparation si nécessaire).
Les autres enseignements et non des moindres, selon les membres de l'équipe concernent l'approche impact-résultats, ainsi que le choix des acteurs. Dans la mise en oeuvre de ses projets, la Banque devra en outre adopter une approche plutôt intégrée de développement que sectorielle, permettant de maximiser les résultats et impacts du projet. Elle devrait également opérer des choix d'acteurs de qualifications et d'expérience avérée pour la mise en oeuvre du projet : entrepreneurs, consultants, équipes de suivi.
Par ailleurs, il est important de pouvoir communiquer directement avec les bénéficiaires dans leur langue, et de privilégier la plus large concertation possible des parties prenantes pour incorporer tous leurs besoins et les mobiliser pour le succès du projet, » a-t-il précisé. Il a par ailleurs, exprimé sa joie et sa fierté pour ce prix octroyé à la Banque et pour l'opportunité que son équipe à eu de mener ce projet. «Nous sommes heureux de voir les impacts du projet sur le développement dans la zone d'influence du projet ; de voir comment les conditions de vie des populations ont été nettement améliorées.»
Le projet a été articulé autour de trois aspects qui ont permis d'aboutir à un projet intégré à objectifs multiples, notamment, l'amélioration de l'état des routes du corridor, la facilitation du transport dans le corridor et les aménagements socioéconomiques pour l'amélioration des conditions de vie des populations bénéficiaires.
La BAD a été créée en 1964, avec pour objectif, la promotion du développement économique et social durable de ses pays membres régionaux. Depuis le démarrage de ses opérations en 1967, elle a financé 3 660 opérations au titre de prêts et dons pour un équivalent de 92 milliards de dollars. Depuis la mise en oeuvre de sa stratégie à moyen terme 2008-2012, le secteur de l'infrastructure a reçu 13 milliards de dollars.