L'envolée des cours mondiaux des denrées alimentaires, conjuguée aux soulèvements politiques en Afrique du Nord, offre l'occasion aux pays de cette région, ainsi qu'à la communauté internationale, de dresser le bilan de la sécurité alimentaire et de réévaluer les stratégies visant à réaliser la sécurité alimentaire dans des pays tels que l'Égypte, la Tunisie, la Libye, l'Algérie, le Maroc et la Mauritanie.
Cette publication illustre clairement que la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire en Afrique du Nord ne peuvent être abordées d'un point de vue purement économique. Elles ont également de profondes connotations politiques, comme en atteste le rôle joué par les prix des denrées alimentaires dans la vie politique des pays pendant le Printemps arabe, ainsi que les répercussions politiques du recours à un nombre restreint de fournisseurs de céréales pour l'essentiel des besoins alimentaires de la région. Le Printemps arabe, combiné à la récente envolée des prix alimentaires, est une occasion propice à la réévaluation des stratégies et politiques en matière de sécurité alimentaire en Afrique du Nord.
Même si certains faits indiquent que la région est de plus en plus préoccupée par sa souveraineté alimentaire, comme le montre l'intérêt croissant pour la production alimentaire locale et l'acquisition de terres agricoles à l'étranger, les importations de vivres continueront de jouer un rôle clé dans la sécurité alimentaire, puisque le Maroc est le seul pays dont les importations de céréales devraient diminuer au cours des 20 prochaines années. C'est la raison pour laquelle les futures approches en matière de sécurité alimentaire devront mettre l'accent sur les voies et moyens permettant aux pays d'Afrique du Nord de mieux se positionner pour tirer parti des marchés alimentaires mondiaux. Cela doit s'accompagner de programmes efficaces destinés à stimuler la productivité alimentaire et agricole, en général, en tenant compte des coûts économiques de tels programmes et de leurs répercussions sur l'allocation des ressources. Par ailleurs, les filets de sécurité sociale et la politique de protection sociale doivent être réformés pour contribuer de façon plus efficace et efficiente à l'allégement de la pauvreté et à l'amélioration de la sécurité alimentaire des pauvres et des personnes vulnérables. En effet, la sécurité alimentaire est intimement liée à la sécurité du revenu.
Toutefois, les réformes mentionnées ci-dessus ne seront pas suffisantes pour assurer la sécurité alimentaire totale de l'ensemble des citoyens de la région. Il est indispensable de tracer une trajectoire globale de croissance favorable aux pauvres, à forte intensité de main-d'oeuvre et inclusive ; les questions de sécurité alimentaire ne peuvent être dissociées de ce vaste programme de développement.
En fait, il serait risqué de réagir à la récente crise alimentaire mondiale en pensant que la production alimentaire locale et le secteur agricole constituent à eux seuls la panacée pour parvenir à la sécurité alimentaire. Les pays du MENA répondent d'ores et déjà à la crise alimentaire mondiale en créant des comités interministériels chargés de la sécurité alimentaire appuyés par des unités techniques.
Cependant, ces unités font généralement partie du ministère de l'Agriculture et les comités sont souvent présidés par le ministre de l'Agriculture (le cas de la Jordanie et du Yémen). Pour être efficace, la structure institutionnelle doit placer la sécurité alimentaire au coeur du processus de développement et l'unité ou le secrétariat pertinent doivent appartenir aux plus hauts échelons du gouvernement, comme le Bureau du Premier ministre ou du président. Cette approche globale et plurielle en matière de sécurité alimentaire constitue la voie à suivre pour les nouveaux gouvernements d'Afrique du Nord, car elle ne peut être séparée du besoin plus général et plus pressant d'une nouvelle stratégie de développement socioéconomique inclusif.