Dirigeants politiques, financiers et experts s'accordent sur la priorité qui doit être donnée à la première ressource de l'Afrique, sa population, dans le cadre d'une bonne gouvernance des revenus générés par les ressources naturelles.
La Banque africaine de développement (BAD), qui organise à Marrakech ses Assemblées annuelles jusqu'à vendredi 31 mai, a consacré le 29 mai deux conférences aux ressources naturelles - productions agricoles, minières, énergétiques et humaines - et à l'utilisation des revenus qu'elles génèrent. C'était autour des thèmes « Ressources naturelles de l'Afrique : Où va-t-on ? » et « Maximiser les gains tirés des ressources naturelles ».
Dans ses remarques de la plénière du Séminaires de haut niveau de la BAD le même jour, le président rwandais, Paul Kagamé, a estimé qu'il faut « refuser la notion de la soit disant malédiction des ressources », soulignant que c'est le rôle de l'Etat et des gouvernements « de mettre en place un agenda », adapté à la situation de chaque pays. « La gestion et l'exploitation des ressources sur le continent doivent être déterminées par l'intérêt de l'Afrique et de ses citoyens », a-t-il affirmé.
En fait la question des ressources naturelles reste complexe. L'Afrique connaît actuellement une très forte croissance notamment grâce à des prix élevés des matières premières agricoles et minières. Pourtant cette croissance ne se traduit pas toujours en augmentation de richesses pour les Africains, notamment en création d'emplois.
« Pratiquement partout, on assiste à la découverte et à l'exploitation de vastes quantités de ressources naturelles. Il s'agit notamment de métaux de base, de métaux précieux, de pétrole et de gaz », a souligné lors de la conférence, le président de la BAD, Donald Kaberuka.
« Ce boom des ressources naturelles n'entraînera pas seulement un accroissement des flux de revenus, mais il donnera également une impulsion aux infrastructures à grande échelle, pour soutenir la logistique connexe, les chemins de fer et les ports maritimes ; il entraînera une demande accrue de compétences, de biens et de services, y compris dans des régions et des pays moins riches en ressources. Mais tout cela suppose que nous allons agir comme il se doit, notamment dans la conception de modèles économiques du secteur minier, la gouvernance des ressources naturelles et l'obtention de la juste valeur des ressources naturelles », a-t-il expliqué.
Plusieurs stratégies ont commencé à être mises en place par les gouvernements africains suite à cette hausse de revenus : création de fonds souverains au Gabon et au Nigeria par exemple, investissements dans de grands projets d'infrastructures et mise en place de fonds pour les générations futures.
Ce qui est certain, selon l'universitaire d'Oxford, Jeffrey Herbst, c'est que « l'Afrique devrait tirer avantage de la situation actuelle », car selon lui les prix des ressources naturelles et notamment des matières premières minières et agricoles pourraient redescendre en fonction de la conjoncture.
« Il n'y a pas de bonne gouvernance des ressources naturelles. Il y a la bonne gouvernance, c'est tout. Les pays africains doivent développer des stratégies (... ) penser aux générations futures, et s'engager dans des débats à l'échelle nationale. Ce n'est pas quelque chose que d'autres peuvent faire pour eux (... ) Il s'agit de questions très politiques », a-t-il ajouté insistant sur l'importance d'investir dans les infrastructures et l'éducation.
Sheila Khama, directrice du service des ressources extractives au sein du Centre africain pour la transformation économique (African Center for Economic Transformation, ACET) et membre du Africa Progress Panel, a quant à elle, estimé que l'Afrique doit reprendre en main l'agenda d'exploitation et d'extraction des ressources et ne pas se laisser dicter les conditions par les investisseurs.
Pour l'Afrique, « il y a actuellement une grande fenêtre d'opportunité pour capitaliser sur nos ressources », a-t-elle souligné après avoir appelé la société civile, les décideurs, les universitaires en Afrique à se mobiliser sur ce dossier.
Pour la plupart des experts participant à ces débats, l'Afrique manque de ressources humaines capables de gérer ce boom des ressources naturelles au profit des Etats et des économies africaines. Ainsi, l'Afrique manque par exemple d'experts pour évaluer les ressources minières ou d'avocats pour négocier les contrats avec les multinationales du secteur.
Le contrôle des revenus issus de l'extraction est également difficile pour la plupart des administrations fiscales, tandis que la spéculation sur les concessions échappe la plupart du temps complètement aux Etats africains.
Dans son rapport annuel, publié lundi à Marrakech, la BAD estime que « Les ressources agricoles, minières et énergétiques de l'Afrique peuvent potentiellement dynamiser la croissance économique du continent et permettre une accélération du développement humain ».
« La Banque africaine de développement et ses institutions sœurs à Addis-Abeba préparent en ce moment des analyses de scénarios à soumettre à nos dirigeants lors de leur prochain sommet au début de l'année prochaine », a précisé M. Kaberuka.
"Le secteur primaire nécessite une gestion efficace des terres, un système fiscal équilibré et juste et les bons mécanismes et incitations pour provoquer une accélération et une diversification des sources de la croissance", estime le rapport.
En d'autres termes, selon la majorité des experts, la richesse générée par les ressources naturelles et leur exploitation doit être largement investie dans l'éducation, les infrastructures, les industries de transformation, afin de garantir de meilleures conditions de développement durable aux générations futures.