La BAD demeure un acteur clé dans le développement intégré des infrastructures au Sénégal. La preuve, avec la nouvelle autoroute à péage qui traverse le grand Dakar, un chantier titanesque pour un ouvrage désormais opérationnel.
Les automobiles filent, dans un ballet fluide, sur le nouveau ruban de bitume de 32 km qui traverse le grand Dakar. Congestionnée depuis des années par les quelque 100 000 véhicules qui la parcourent de part en part chaque jour, la capitale sénégalaise devrait radicalement changer grâce à cette autoroute à la pointe de la modernité. Au grand soulagement des automobilistes, lassés des embouteillages qui engorgent la capitale.
Le premier coup de pioche a été donné en 2005, à Malick Sy. Huit ans plus tard, l'autoroute à péage Dakar-Diamniadio est devenue réalité, inaugurée officiellement le 1er août 2013, après l'achèvement du deuxième et dernier tronçon routier.
Inauguration officielle le 1er août 2013
Désormais, le trajet entre Dakar et Diamniadio ne devrait pas excéder 15 minutes en temps normal, assure Didier Payerne, directeur des opérations de Senac, filiale sénégalaise du groupe français Eiffage et concessionnaire de l'autoroute. C'est 90 minutes de moins que par le passé, entraînant « une économie de sept litres de carburant pour un véhicule particulier, soit environ 6 000 CFA », d'après ses calculs.
Diène Farba Sarr, directeur général de l'Agence chargée de la promotion de l'investissement et des grands travaux (Apix), souligne le caractère d'exception du projet : «C'est une autoroute rare en Afrique, parce que construite en zone urbaine. » Et d'ajouter : « C'est une autoroute de développement». L'ampleur des aménagements, du montage financier du projet -- soutenu et co-financé par la BAD, la Banque mondiale et l'Agence française de développement (AFD), entre autres -, du nombre de personnes déplacées et du désenclavement qu'elle permet, ont fait de cette infrastructure routière un chantier colossal pour le Sénégal - et au-delà. Lors de l'inauguration officielle de l'ouvrage, le 1er août 2013 à Diamniadio, le président sénégalais Macky Sall était ainsi présent, entouré de membres du gouvernement et de l'administration locale, de partenaires techniques et financiers, ainsi que de représentants d'organisations de la société civile. Le calendrier de livraison définitive de l'autoroute que s'étaient fixées les autorités a donc été respecté, après qu'ont été achevées la construction du tronçon de 20,4 km entre Pikine et Diamniadio et du péage de la Patte d'Oie à Diamniadio.
La première autoroute à péage en concession dans la zone UEMOA
Selon Didier Payerne, directeur des opérations de Senac, filiale sénégalaise du groupe Eiffage spécialisé dans les BTP (bâtiments et travaux publics), et qui a obtenu, en 2009, la concession de l'autoroute pour une durée de 30 ans, « le prix du péage a été fixé par l'Etat du Sénégal, qui a lancé des études dès 2005 pour définir un prix acceptable pour le Sénégalais moyen. » Et de préciser : « Ce n'est pas l'opérateur qui en a décidé ainsi. » Eiffage estime le volume de trafic sur le tronçon le plus fréquenté à 26 671 véhicules par jour (VPD) en 2013. Un chiffre qui devrait passer à 44 797 VPD en 2036.
Ce nouvel ouvrage flambant neuf constitue également l'un des tout premiers projets de partenariat public-privé (PPP) dans le secteur routier en Afrique subsaharienne.
380,2 milliards de francs CFA investis
Ce PPP lie l'Etat du Sénégal à la Banque africaine de développement (BAD), ainsi qu'à la Banque mondiale (BM), à l'Agence française de développement (AFD), et - entre autres partenaires - au groupe Eiffage. Pour ce projet, la BAD a tiré parti de ses ressources concessionnelles en canalisant les opérations non souveraines d'un pays à faible revenu.
Sur le coût total du projet - 375,5 millions d'euros -, la BAD a fourni un prêt privilégié non souverain de 12 millions d'euros avec une maturité de 15 ans, incluant un délai de grâce de 5 ans et une facilité de crédit de soutien de 1,5 millions d'euros. Eu égard à sa vaste expérience du développement des infrastructures au Sénégal, la BAD était particulièrement bien placée pour fournir un financement à long terme et pour renforcer la viabilité du projet, tout en assurant le respect des normes de sauvegarde les plus élevées en matière environnementale et sociale.
La participation de la BAD dans le financement non souverain du projet a complété et consolidé un prêt souverain de 51,5 millions d'euros au gouvernement sénégalais.
Retombées nombreuses et projets connexes
Au-delà de l'amélioration de la circulation et de la mobilité des biens et des personnes à Dakar et aux alentours, la nouvelle autoroute devrait contribuer à la réduction de la pauvreté en transformant les conditions de vie des communautés locales dans la zone d'influence du projet. Ainsi, 800 emplois durant la construction et 130 autres pendant l'opérationnalisation de la route ont été créés, la mobilité urbaine a été renforcée, l'accès aux services de sécurité, de transports, de l'administration, de santé, d'éducation et aux centres touristiques s'en voit accru.
Autres exemples de retombées positives de la nouvelle autoroute : le projet a conduit à la fermeture du site de déchets à ciel ouvert de Mbeubeuss, et à la création d'un centre de déchets d'enfouissement, à la fourniture de services d'assainissement, ainsi qu'au reboisement de la zone. En outre, les personnes affectées par la construction du projet, indemnisées ou réinstallées de manière appropriée (10 000 familles environ déplacées), bénéficient à présent de meilleures conditions de vie, dont l'accès à des logements modernes et l'amélioration de la qualité de l'air et de l'assainissement.
La multiplication des activités et des opportunités économiques devrait entraîner une augmentation des revenus des ménages et des entreprises, dans cette région qui connait une croissance rapide de sa population ces dernières années - avec en moyenne 150 000 à 200 000 personnes supplémentaires par an.
Enfin, le projet devrait donner naissance à des zones de libre-échange autour de Thiès et Dakar, ainsi qu'une nouvelle zone commerciale. L'autoroute actuelle sera complétée d'un accès au nouvel aéroport international Blaise Diagne de Diass, dont la construction, qui a déjà commencé, devrait s'achever d'ici à la fin 2014. S'agissant de ce projet d'infrastructure aéroportuaire, la BAD est à la fois le chef de file de la coordination des bailleurs et le prêteur principal.
En fait, l'autoroute à péage fait partie du programme de développement des infrastructures du Sénégal, qui comprend l'extension du port de Dakar, le nouvel aéroport international, ainsi qu'un certain nombre d'autres projets de transport. Ces nouvelles infrastructures aideront à stimuler l'activité économique dans les secteurs manufacturier et industriel, ainsi que dans le tourisme, dopant ainsi la compétitivité du Sénégal.
Une autoroute au service de l'intégration régionale
L'autoroute à péage Dakar-Diamniadio n'a pas une envergure seulement régionale, voire nationale. Elle s'inscrit pleinement dans une perspective régionale, puisqu'elle concrétise le premier maillon de l'autoroute transafricaine Dakar-Lagos, un axe majeur de 4010 km qui traverse les pays de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) - plus particulièrement le Mali, la Guinée, la Guinée-Bissau et la Gambie. La future transafricaine, qui figure au nombre des priorités du Programme de développement des infrastructures en Afrique (PIDA), favorisera l'essor des flux commerciaux dans la région.