La Banque africaine de développement met sur la table des propositions concrètes, afin d'aider l'Afrique à relever les principaux défis qui entravent son secteur agricole et obèrent la sécurité alimentaire sur le continent.
L'agriculture est l'épine dorsale de l'Afrique. Elle regorge de promesses pour la croissance du continent et en matière de création d'emplois. L'agriculture, qui emploie 65 % à 70 % de la main-d'œuvre africaine, équivaut à un tiers environ du PIB du continent. Représentant plus de la moitié des agriculteurs africains, les femmes produisent jusqu'à 90 % de la nourriture du continent. Aussi, promouvoir la production agricole et la sécurité alimentaire est-il l'un des moyens les plus efficaces pour générer une croissance inclusive et réduire la pauvreté.
Toutefois, la volatilité persistante des prix alimentaires, qui a participé des crises alimentaires survenues en 2011-2012, n'a pas disparu en 2013, et devrait persister dans les années à venir. « L'insécurité alimentaire actuelle à laquelle le Sahel est confronté, est beaucoup plus le reflet de la vulnérabilité chronique de la région sur le long terme, que le résultat d'un choc soudain, ponctuel, comme une seule sécheresse en 2011 », a ainsi déclaré Chiji Ojukwu, directeur chargé de l'agriculture et de l'agro-industrie à la Banque africaine de développement.
D'autre part, l'Afrique est extrêmement vulnérable aux chocs environnementaux. Nombre des plus démunis en Afrique continueront d'être durement touchés par les ondes de chocs de plusieurs crises, telles que les catastrophes naturelles (sécheresses et inondations notamment) et les conflits.
Contraintes internes
En plus de ces facteurs externes, l'insuffisance des infrastructures domestiques empêchent l'Afrique d'asseoir son plein potentiel agricole et sa sécurité alimentaire. Caractérisée par des capacités de stockage de l'eau réduites a minima, le continent --l'Afrique subsaharienne en particulier --, pâtit d'une sous-utilisation majeure de ses ressources hydriques, pourtant abondantes. Insuffisant, l'approvisionnement énergétique entrave quant à lui la productivité ainsi que le traitement et le stockage des produits agricoles. Le trop faible maillage des routes goudronnées et du réseau ferroviaire entraîne également de fortes pertes post-récolte, tout en restreignant l'accès aux marchés.
Ces pertes post-récolte, très élevées -- jusqu'à atteindre parfois 40 %, de la production agricole --, sont dues principalement au manque de transports, de capacités de transformation, de structures de stockage, et à la faible accessibilité des marchés.
L'accès limité aux marchés financiers et au crédit, ainsi qu'à la technologie et aux intrants, érode la capacité de production des agriculteurs, en particulier des petits paysans, qui produisent pourtant l'essentiel de la nourriture sur le continent,
L'Afrique doit s'adapter au changement climatique. Bien que ce phénomène ne soit pas nouveau, l'agriculture africaine a du mal à s'y adapter, du fait notamment des faibles capacités du continent et de son retard technologique.
Moteur de croissance et de création d'emplois, le secteur privé occupe encore une place relativement modeste dans l'agriculture en Afrique. Les rendements limités et les risques élevés associés a priori à l'agriculture sont quelques-uns des défis qui doivent être surmontés.
S'agissant du régime foncier dans la plupart des pays, le cadre réglementaire, non seulement limite les investissements dans le secteur agricole (surtout pour les populations locales) et, partant, la productivité, mais alimente également le débat sur l'accaparement des terres.
Dernier point mais non des moindres, les barrières commerciales créent artificiellement des "poches" de déficit et, a contrario, de surplus alimentaires, ainsi que des pertes, tant à l'échelle nationale que régionale. Une circulation libre et bon marché des produits alimentaires permettrait d'éviter de telles situations.
Une vision
Afin de répondre à tous ces défis, la Banque africaine de développement a lancé une série d'actions et d'initiatives visant à renforcer la sécurité alimentaire.
En vertu de sa stratégie pour la décennie 2013-2022, intitulée « Au cœur de la transformation de l'Afrique », la BAD reconnaît qu'exploiter pleinement le potentiel agricole de l'Afrique et lutter contre l'insécurité alimentaire nécessitent des interventions multisectorielles, pérennes, et de recourir à une approche de chaîne de valeur intégrée -- depuis la recherche-développement (R&D) jusqu'à la logistique et le marketing (marchés ruraux), en passant par la production (irrigation) ou son traitement (unités communautaires, stockage).
La BAD encourage la transformation agricole principalement par le développement des infrastructures. Depuis 2008 et le déploiement de sa stratégie à moyen terme 2008-2013, puis de sa stratégie agricole 2010-2014, son portefeuille agricole est de plus en plus axé sur le développement des infrastructures spécifiques. Plus de 80 % des approbations de la BAD dans le secteur sont ainsi dédiées au développement de la chaîne de valeur et des infrastructures agricoles.
La Banque africaine de développement soutient également la "révolution" de l'agrobusiness et de l'agro-industrie, en vue de renforcer la chaîne de valeur agricole. De l'avis de la BAD, la transformation des produits agricoles peut répondre à la demande de développement au plan social, tout en garantissant la disponibilité des produits de base tout au long de l'année. Cela pourrait se faire par :
- le recours à des technologies innovantes (par exemple, l'utilisation de nouvelles variétés de cultures et d'OGM) ;
- un enseignement technique moderne, pour améliorer la disponibilité de la main-d'œuvre dédiée aux travaux à haute valeur ajoutée ;
- des partenariats avec des entreprises internationales spécialisées dans la chaîne d'approvisionnement, afin de renforcer les liens avec les marchés mondiaux ;
- des infrastructures modernes (par exemple, la construction de voies communales et de routes de desserte).
La BAD évalue également les atouts potentiels d'initiatives visant à promouvoir les échanges commerciaux, à l'instar des bourses de produits agricoles -- l'accès aux prix des marchandises en temps réel et les systèmes de paiement électronique permettent aux petits exploitants de devenir des entreprises viables. Par ailleurs, elle met l'accent sur la rationalisation de la main d'œuvre et des infrastructures logistiques (transport et stockage).
Nouvelle initiative en 2013
Pour la BAD, les marchés agricoles africains doivent être connectés, afin d'explorer les opportunités commerciales et de rendre les exportations beaucoup plus compétitives. En permettant aux agriculteurs d'accéder aux corridors de transport régionaux grâce aux routes régionales, la BAD encourage le commerce alimentaire intra-régional. La Banque collabore également avec les Communautés économiques régionales (CER) pour s'attaquer aux barrières commerciales non tarifaires. Par ailleurs, elle œuvre à l'élaboration de programmes régionaux, afin de faire face aux effets de la sécheresse chronique dans la Corne de l'Afrique et le Sahel.
L'agriculture africaine peut absorber un grand nombre de nouveaux demandeurs d'emploi. A condition, toutefois, d'apurer les problèmes fonciers, d'améliorer l'accès au crédit et de renforcer les compétences des jeunes. En outre, de sérieux efforts doivent être entrepris pour davantage aligner les programmes de développement agricole sur les besoins de la jeunesse. Les programmes existants en matière de financement, d'accès à la terre, d'éducation et de vulgarisation, peuvent être ajustés pour répondre aux besoins spécifiques des jeunes en milieu rural. L'agriculture capable d'attirer les jeunes se devra d'être rentable, compétitive et dynamique.
Parmi les récentes initiatives visant à renforcer la chaine de valeur et la sécurité alimentaire en Afrique, la Banque africaine de développement a lancé, en mai 2013, un Fonds pour l'accélération du développement agricole. Cet outil de préparation de projets entend constituer une réserve de projets, prêts pour investissement et susceptibles d'attirer des fonds privés ou institutionnels, qui viennent appuyer la politique de transformation de l'agriculture en Afrique. Le Fonds est l'une des composantes de la "Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition", engagée lors du sommet du G8 tenu en mai 2012. Mis en place avec un financement initial de l'USAID et de l'Agence suédoise pour le développement international, le Fonds a annoncé, à l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation, avoir sélectionné deux nouvelles entreprises qui bénéficieront de son concours.