Trente-deux fois. Le sigle "BAD", pour Banque africaine de développement, apparaît en effet 32 fois dans le rapport intitulé "Un partenariat pour l'avenir : 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l'Afrique et la France".
Rédigé par Hubert Védrine, ancien ministre français des affaires étrangères, Lionel Zinsou, Tidjane Thiam, Jean-Michel Severino et Hackim El Karoui, le document de 166 pages a été remis officiellement le 4 décembre 2013 au ministre français de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici. Avec ses 15 propositions, il s'est imposé comme le plat de résistance du Forum économique « pour un nouveau modèle de partenariat économique entre l'Afrique et la France », organisé le jour même dans les locaux du ministère à Paris, en présence de plusieurs chefs d'Etats et de représentants de gouvernements africains, ainsi que du président de la Banque africaine de développement, Donald Kaberuka.
Dès l'introduction, le rapport donne le ton, et « invite la France à prendre la mesure de l'émergence économique et sociale de l'Afrique, qui en fera l'un des pôles majeurs de la mondialisation du XXIe siècle. »
Car le constat est clair : depuis l'orée des années 2000, l'Afrique est un continent « en pleine croissance économique et sociale ». Porté par une croissance moyenne de 5 % par an depuis plus d'une décennie, le continent a vu les investissements directs étrangers (IDE) sur son sol passer de 1,2 % des IDE mondiaux en 2007 à 3,1 % en 2012. Et « les potentialités du continent demeurent impressionnantes » : sa population doublera d'ici à 2050 pour atteindre 2 milliards de personnes, « ce qui en fera l'un des plus grands marchés du monde. »
Or, si la France demeure le premier investisseur en Afrique - hors hydrocarbures -, elle perd des parts de marché sur un « continent soumis à une compétition mondiale croissante. » Avec 9 propositions pour « un agenda économique partagé au service d'une croissance africaine et française », et cinq autres « pour remobiliser la France aux côtés d'une Afrique en marche », le groupe de travail présidé par Hubert Védrine recommande aux autorités françaises de doubler le montant des exportations vers l'Afrique dans les cinq ans à venir - ce qui permettrait notamment à la France de gagner « au moins 200 000 emplois. »
La Banque africaine de développement a largement inspiré la nouvelle doctrine économique de la France. Socle de la nouvelle stratégie de la France en Afrique, le rapport mentionne ainsi 32 fois les analyses, études, rapports, propositions, et la stratégie et les initiatives de la BAD en faveur du développement du continent. Le rapport indique d'ailleurs clairement que la France a tout intérêt à soutenir des actions de la BAD.
La proposition 3 du rapport, qui appelle à « soutenir le financement des infrastructures en Afrique », précise ainsi que la France devrait « au niveau multilatéral, appuyer le Fonds Africa50 de la BAD en détachant des experts français. » Ce Fonds Africa50 entend créer un effet de levier pour libérer des sources de financement privées dans l'optique d'accélérer le rythme de réalisation d'infrastructures en Afrique. Ainsi, « avec 10 milliards de dollars EU de mise initiale, la BAD escompte lever 100 milliards de dollars EU. »
Au titre de la proposition 5, destinée à « contribuer au renforcement des capacités de financement de l'économie africaine », le rapport souligne : « lancé en 2008, le "Partenariat pour le financement en Afrique" est une plateforme de cofinancement collaborative qui rassemble autour de la BAD sept autres institutions actives dans le financement des projets du secteur privé dans le domaine des infrastructures, des industries extractives et des institutions financières. » « La France aurait intérêt à soutenir pleinement ce travail très concret », souligne ledit rapport.
La BAD est également citée en exemple dans la proposition 6, sur l'augmentation des capacités d'intervention de l'Union européenne en faveur de l'Afrique : « La mission recommande de poursuivre l'appui aux initiatives internationales visant à renforcer la transparence dans les industries extractives (ITIE) et à améliorer les capacités africaines juridiques en matière de contractualisation de la Facilité africaine de soutien juridique de la BAD », précise le rapport.
La proposition 11, intitulée « réinvestir au plus vite la présence économique extérieure française en Afrique subsaharienne », fait également la part belle à la BAD : « Les sommets Afrique-France, s'ils sont maintenus à un rythme régulier, constituent des rendez-vous clés de la relation de la France avec l'Afrique », est-il noté. Et les auteurs d'inviter les autorités françaises à s'associer à un évènement initié par la Banque : « Il existe depuis 2012 un forum annuel des dirigeants des grandes entreprises africaines à Genève, organisé par Jeune Afrique et The Africa Report, en partenariat avec la BAD. Il permettrait de donner un élan médiatique aux relations économiques avec la France et de fortifier la relation d'affaires avec le continent. »