S'adressant à des membres du personnel lors d'une rencontre organisée le 11 février dernier à Tunis, l'Envoyée spéciale de la Banque africaine de développement (BAD) pour les questions de genre, Geraldine Fraser-Moleketi, citait le ministre ivoirien des Infrastructures économiques, Patrick Achi, en disant : « C'est d'abord pour nous que l'égalité de genre est un problème crucial. Nous ne mettons pas la question du genre au cœur de nos stratégies de développement pour plaire aux institutions de développement ou aux donateurs.
C'est d'abord dans notre propre intérêt, c'est dans l'intérêt de nos pays, car la moitié de la population africaine est composée de femmes. Et de toute évidence, il n'y aura pas de développement, si cette moitié est ignorée, juste parce qu'il s'agit de femmes ».
En citant le ministre ivoirien, l'Envoyée spéciale, ne faisait que réaffirmer que « L'Egalité pour les femmes, c'est le progrès pour toutes et tous », ainsi que l'indique le thème de la Journée internationale de la femme de cette année. Sa propre nomination en septembre 2013 par le président Donald Kaberuka, est une indication claire que la question est au cœur des opérations de la BAD dans les pays. Elle assurera un rôle de direction stratégique auprès de la BAD en matière d'égalité des sexes et mènera des actions de plaidoyer avec les pays membres régionaux et dans des tribunes nationales et internationales.
De la femme à l'intégration du genre
Parlant de l'importance de la question du genre pour l'institution, Fraser-Moleketi a rassuré l'audience en disant : « Si quelqu'un pensait que nous faisons ceci parce que nous sommes liés par un agenda extérieur, laissez-moi vous rassurer que nous le faisons parce que cela est nécessaire. » « Il est question de nos vies, il est question de nos sœurs, il est aussi question de nos fils. Cette stratégie du genre ne doit laisser personne de côté. Ce n'est pas seulement pour les femmes », a-t-elle ajouté.
La BAD promeut l'égalité des sexes dans ses opérations depuis plus de deux décennies. Elle est passée d'une approche axée sur les femmes à une approche visant l'intégration du genre (à la fois les femmes et les hommes).
La politique en matière de genre adoptée par la BAD en 2001 a confirmé l'approche « genre » mise en œuvre à travers deux plans d'action consécutifs sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Un certain nombre de changements institutionnels, notamment l'affectation et le nombre de spécialistes des questions de genre et d'unités dédiées à la promotion de l'égalité des sexes lui ont permis d'optimiser l'efficacité et la portée de son action.
Des initiatives telles que le groupe de travail sur le genre, établi en 2009 par le président de la BAD, prodiguent des conseils sur la manière de renforcer l'intégration du genre au sein de la BAD et dans les pays membres. Le Prix des bonnes pratiques en matière de genre institué par le président a aussi confirmé l'engagement de la BAD à promouvoir l'égalité des sexes en Afrique. En 2010, la BAD a créé une division dédiée aux questions de genre qui a ouvert de nouvelles possibilités pour intégrer de façon systématique le genre et l'égalité hommes-femmes au sein de la BAD et dans les pays membres régionaux.
Ces efforts ont produit des résultats remarquables. Par exemple, de 2011 à 2012, le pourcentage des nouveaux projets approuvés qui avaient intégré la dimension genre avec une note « satisfaisante » a augmenté, passant de 38 % à 67 %. En 2012, la BAD a également remporté l'US Treasury Award (décerné par le Département du Trésor des États-Unis) pour son engagement en faveur de l'égalité des sexes, de l'inclusion et des États fragiles. Ceci été matérialisé dans un projet réalisé en Côte d'Ivoire qui aborde de façon globale les conséquences de la violence sexiste.
Statut juridique et les droits de propriété
La Stratégie décennale (SD) 2013-2022 de la BAD réaffirme son engagement en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes comme essentiel au progrès économique et au développement durable. Au titre de la SD, la BAD utilisera des outils, processus et approches existants et nouveaux afin d'intégrer efficacement le genre dans les domaines prioritaires des infrastructures, de la gouvernance, des compétences et de la technologie, de l'intégration régionale et du développement du secteur privé.
S'appuyant sur les enseignements tirés, la BAD redoublera ses efforts pour promouvoir l'autonomisation économique des femmes, renforcer leur statut juridique et leurs droits de propriété, et améliorer la gestion du savoir et le renforcement des capacités. La BAD s'efforce également de renforcer les capacités internes, notamment par une meilleure coordination intersectorielle, afin d'optimiser les synergies permettant de maximiser les résultats obtenus en matière de genre.
Pour mettre en œuvre cet engagement en faveur de l'égalité hommes-femmes, la BAD a établi une stratégie en matière de genre afin de guider ses efforts visant à intégrer efficacement cette question dans ses opérations et de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes en Afrique. La Stratégie en matière de genre : Investir dans l'égalité hommes-femmes pour la transformation de l'Afrique (2014-2018) imagine une Afrique où les femmes et les filles africaines ont facilement accès au savoir, où les compétences et les innovations des femmes sont optimisées, où leurs capacités contribuent à multiplier les opportunités économiques, et où elles participent pleinement à la prise de décisions.
La stratégie en matière de genre identifie trois piliers qui se renforcent mutuellement pour s'attaquer aux causes sous-jacentes de l'inégalité entre les hommes et les femmes :
- le statut juridique et les droits de propriété des femmes,
- l'autonomisation économique des femmes, et
- le renforcement des compétences et la gestion du savoir.
Les progrès réalisés pour chacun de ces piliers seront intégrés dans les principaux domaines opérationnels et les domaines d'intérêt particulier de la BAD, identifiés dans la stratégie.