Des chercheurs ont réfléchi, mardi 3 novembre 2015 à Kinshasa, à travers trois exposés - aux relations entre pauvreté, inégalité et croissance en Afrique, ainsi qu'aux réponses appropriées à apporter à ces fléaux qui font reculer le continent. C'était lors d'une session parallèle de la 10ème Conférence économique, présidée par le professeur Bernadette Kamgnia, directrice p.i. de l'Institut africain de développement.
Le premier papier, présenté par, El Hadji Fall, Janvier Alofa et Marc Akplogan, explore : «Pourquoi l'Afrique n'a-t-elle pas suffisamment réduit la pauvreté sur la période des OMD?»
Selon les auteurs, l'Afrique a réalisé une forte croissance (5%) ces 15 dernières années, mieux que les autres régions. Citant le rapport OMD 2014, les auteurs indiquent que de 56,5% en 1990, le taux de pauvreté est passé à 48,5% en 2010, avec les inégalités en baisse de 45,8 à 43,9. La part mondiale des pauvres en Afrique est en augmentation de 15% en 1990 à 35% en 2010.
L'étude préconise que pour réduire suffisamment la pauvreté, il faut maintenir durablement un taux de croissance économique élevé à travers une transformation structurelle réelle des économies. Elle suggère également la mise en place de politiques mieux ciblées de redistribution de revenu par une augmentation des dépenses sociales (éducation, santé,... ) surtout dans les économies rentières (pétrole, mines, etc.). Par ailleurs, les auteurs soulignent la nécessité d'adopter des politiques complémentaires à l'ouverture commerciale (l'amélioration du capital humain, l'amélioration du climat des affaires et la qualité des institutions) des économies en améliorant la productivité de l'agriculture, et des secteurs les plus productifs, notamment celui des manufactures.
«Il est nécessaire d'intensifier la lutte contre la corruption et d'œuvrer pour une meilleure qualité de la gouvernance et pour la mise en place d'institutions fortes et crédibles en vue d'une gestion transparente des ressources. »
L'étude démontre également que la structure des économies a contribué différemment à la réduction de la pauvreté suivant les pays et les zones géographiques : Par exemple, dans les pays à dominante agricole avec de bonnes politiques ciblées, notamment la Tanzanie, l'Ethiopie, la Tunisie, le Maroc, le Mali, la Guinée, le Malawi, le Rwanda et le Cameroun, la croissance contribue fortement à réduire la pauvreté. De même, dans certains pays à dominante industrielle, comme le Congo, le Nigeria, l'Afrique du Sud, la propension de la croissance à réduire la pauvreté est d'autant plus forte que les inégalités de départ sont faibles.
La deuxième étude portait sur «L'analyse de décomposition des postes de dépenses des ménages au Ghana », présenté par le chercheur à l'Université des Sciences et Technologies de Kumasi, Ghana, Jacob Novignon. Le papier explore les inégalités dans les revenus des ménages en milieu rural et urbain, notamment l'impact de leurs dépenses liées à la subsistance, à l'éducation et à la santé.
L'auteur souligne que le Ghana a été souvent cité comme un exemple de pays à forte croissance, mais estime que les inégalités étaient très prononcées dans toutes les contrées en 2013, contrairement à 2006. Pour l'auteur, le gouvernement devra œuvrer à mieux contrôler les inégalités pour éviter la pauvreté rampante. Novignon a également abordé les questions liées aux transferts, aux revenus agricoles, et à la forte propension de l'auto-emploi, ainsi que leurs impacts sur les inégalités et la pauvreté. «Les dépenses liées à la subsistance occupent une place prépondérante (48%), par rapport aux dépenses sur l'éducation et sur la santé. »
Le troisième exposé du chercheur à l'Université des Sciences économiques et de gestion de Dschang, Cameroun, Talla Fokam Dieu Ne Dort, porte sur la «Croissance économique, l'emploi et la pauvreté au Cameroun.»
Les résultats de l'étude montrent que l'emploi au Cameroun, en partie axé sur la débrouillardise, n'est pas favorable à la réduction de la pauvreté. Selon l'auteur, les politiques de réduction de la pauvreté doivent veiller à la qualité de l'emploi. Les résultats montrent que contrairement à la croissance économique qui exerce une influence significative sur la pauvreté dans le pays, l'intensité de l'emploi n'y exerce aucun effet. « Les secteurs porteurs de l'économie camerounaise regorgent une part très importante d'emplois informels. »
L'étude observe que le gouvernement devrait plutôt développer les politiques favorables à la croissance inclusive à travers l'investissement dans le capital humain, ainsi que dans les secteurs productifs.
La rencontre a mobilisé d'éminents chercheurs et praticiens, dont les interventions ont fortement contribué aux débats, entre autres, Frannie Leautier, CEO et co-fondatrice Mkoba Private Equity, Domingos Mazivila du PNUD, Gilbert Galibaka de la BAD, et Abbi Kedir de la CEA.