Des experts africains réunis à Kinshasa du 2 au 4 novembre dans le cadre de la 10ème édition de la Conférence économique africaine (AEC), ont fortement recommandé aux pays africains de réduire leur forte dépendance des exportations des matières premières et des importations des biens de consommation pour espérer sortir les populations de la pauvreté et des inégalités sociales.
Ces experts ont fait cette suggestion lors d'un débat riche et nourri sur le thème : « Croissance inclusive et transformation structurelle pour réduire la pauvreté en Afrique ».
Le chercheur burundais Janvier D. Nkurunziza dans un exposé sur le thème « dépendance aux matières premières et développement humain », a rappelé que l'Afrique est trop dépendante de ses matières premières (minerais, pétrole et produits agricoles). Dans certains pays comme l'Algérie, a-t-il dit, près de 80% des exportations concernent les produits pétroliers. Et ce pays n'est pas seul dans cette situation. Dans le même temps, le continent importe quasiment l'essentiel des biens de consommation et d'équipement.
Cette double dépendance devenue chronique est, selon lui, un héritage du schéma économique dessiné par les colons qui ont fait de l'Afrique une source sûre d'approvisionnement en matières premières nécessaires pour leurs industries. « C'est une tendance qu'on a toujours observé mais qu'on ne parvient pas à renverser », déplore-t-il.
M. Nkurunziza propose concrètement à tous les pays rentiers du continent d'engager des politiques courageuses de transformation locale de leurs matières premières. Cette transformation générera plus de plus-value, de main d'œuvre et d'investissements dans le secteur des infrastructures porteur de croissance. Au final, a-t-il expliqué, la création des industries de transformation permettront de lutter efficacement contre le chômage, la précarité et en gros la pauvreté.
Même son de cloche de la part du chercheur congolais Kambalé Mirembe. Il soutient également que la dépendance des matières premières est une source de vulnérabilité. Dans son exposé dont le thème est : « la croissance contribue-t-elle au développement ? », il souligne que son pays, la République démocratique du Congo (RDC) affiche une situation macroéconomique stable. Une croissance moyenne de 5% ces cinq dernières années, une prévision de croissance de l'ordre de 8,4% en 2015 mais une persistance des inégalités alors que le pays est doté d'importantes ressources minières.
Au-delà de la transformation locale, M. Kambalé Mirembe propose à tous les pays qui vivent des recettes tirées de l'exploitation minière de se regrouper dans une espèce d'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) afin d'influencer les tarifs et cours mondiaux de ces matières. « Pourquoi on n'y a jamais pensé », s'est-il interrogé.
Au sujet des importations, autres facteurs qui crèvent les économies africaines, un autre chercheur, Zerihum G. Kelbore a suggéré aux pays africains de libéraliser leurs économies. L'objectif sera d'augmenter les échanges et donc la réduction des prix de certains produits. Son exposé sur le thème : « Ouverture commerciale, transformation structurelle et réduction de la pauvreté : réalités empiriques en Afrique » a cependant suscité des grands débats.
Une libéralisation du commerce peut avoir des conséquences néfastes car cela peut accentuer la pauvreté, ont soutenu de nombreux participants au débat. D'autres affirment que les entreprises locales africaines n'ont pas les moyens pour résister face à la concurrence des grandes firmes étrangères. « Une libéralisation non maîtrisée entrainera la destruction des entreprises locales », a fulminé un participant.
Zerihum G. Kelbore, a en fin de compte reconnu que la libéralisation du commerce provoquera des conséquences mais à long terme, l'Afrique et ses populations y gagneraient.