Au vu de la nécessité de maintenir la hausse de la température moyenne mondiale en deçà des 2 °C, la communauté internationale négocie un nouvel accord contraignant sur les changements climatiques.
Même si la forme et la portée exacte du futur accord font encore l'objet de discussions, les pays développés et ceux en développement ont été invités à préparer ce que l'on appelle les " contributions prévues déterminées au niveau national " (dites CPDN, ou INDC par sigle en anglais) pour l'après-2020. Ces contributions sont l'engagement que prennent les pays à notifier ce qu'ils comptent faire pour lutter contre le changement climatique, en préalable aux négociations qui doivent aboutir à l'accord de Paris, en décembre 2015. En principe, ces contributions doivent préciser - entre autres éléments - une cible en matière de réduction des émissions pour l'ensemble de l'économie, qui définit les objectifs de chaque pays pour atténuer les effets du changement climatique ; ainsi qu'un ensemble de politiques et de mesures qui évaluent et quantifient l'impact de la réduction des émissions.
Bien que les CPDN s'imposent comme un fondement majeur de l'accord escompté en décembre 2015, l'on ignore toutefois comment l'adaptation aux effets du changement climatique - une priorité pour l'Afrique - sera prise en compte, parallèlement à l'atténuation, et quelles seront les implications pour le continent.
Le processus d'élaboration des CPDN en tant qu'engagements internationaux à lutter contre les changements climatiques a été décidé lors de la COP19 à Varsovie, en 2013. Cette décision a été réitérée à la COP20, à Lima, en décembre 2014, lorsque les parties ont décidé que les contributions nationales devraient aller au-delà des efforts actuels d'atténuation et inclure des objectifs à long terme en matière de réduction des émissions. Définis à l'origine comme des objectifs/cibles pour la mise en œuvre des mesures en faveur du climat, qui mettent l'accent sur les engagements respectifs des pays à entreprendre des actions d'atténuation, les CPDN devraient être ambitieuses, transparentes et équitables, et conduire à une transformation dans les secteurs et industries à forte intensité d'émissions de carbone. Ces engagements ont été révisés depuis lors, afin que le changement climatique soit aussi intégré dans les priorités nationales - à l'instar du développement durable et de la réduction de la pauvreté.
Aussi est-il important de bien préparer et de communiquer les CPDN, de sorte qu'il soit démontré que les parties prenantes - nationales comme internationales - peuvent contribuer aux efforts déployés à l'échelle mondiale pour lutter contre les changements climatiques.
Un volet important des CPDN consiste à suivre les progrès accomplis, en tenant compte des différents niveaux de développement économique des pays et de la variété des modèles et méthodologies de suivi, de rapport et de vérification des progrès. Enfin, il est essentiel de veiller à ce que cette ambition mondiale formulée à travers les CPDN permette d'atteindre l'objectif planétaire, à savoir maintenir la hausse n de la température moyenne mondiale en deçà des 2 °C.
Les implications possibles des CPDN : quid de l'Afrique ?
Si les CPDN sont d'un apport majeur au texte de négociation proposé pour aboutir au nouvel accord, l'impression générale qui se dégage est que la plupart des pays africains ne sont pas préparés à prendre des engagements ni à définir des priorités. Par ailleurs, on ne saisit pas à quoi pourraient ressembler les CPDN dans le contexte africain, ni les volets fondamentaux qu'il faut inclure. Une préoccupation majeure se pose au continent : est-il judicieux et pertinent que les pays africains prennent, chacun, des engagements contraignants pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, dans le contexte du principe de " responsabilités communes mais différenciées " ? Par exemple, que signifie la notion de " contributions " pour les gouvernements africains ? Quelles sont les conséquences que les gouvernements africains doivent tirer de ces " contributions ", alors qu'ils n'ont pas assez de moyens pour satisfaire leurs besoins fondamentaux et lutter contre les effets négatifs de la variabilité et du changement climatiques ? À ce jour, les pays africains ne partagent pas une interprétation commune des CPND et s'approprient ce concept différemment, dans un manque de cohérence.
Vu que les CPDN mettaient l'accent, à l'origine, sur l'atténuation, sans doute auront-elles des incidences sur la position de négociation de l'Afrique, qui est axée sur l'atténuation, les financements, le renforcement des capacités, le développement et le transfert de technologies. Les contributions ne sont pas assez claires pour que les pays africains puissent mieux formuler leurs priorités et faire en sorte que leurs contributions respectives bénéficient du soutien adéquat et plus fort de la communauté internationale. La confusion actuelle qui règne autour des CPDN ne facilite pas les choses et les rend peu claires, complexes et moins pertinentes. Les contributions sont de toute évidence le résultat d'un compromis entre la notion " [d']engagement " qu'utilisent les pays développés et le concept de " mesures d'atténuation appropriées au niveau national " (MAAN) que défendent les pays en développement.
De nombreux pays en développement, dont des pays africains, se préparent aujourd'hui à mettre en œuvre des MAAN dans le cadre des efforts déployés à l'échelle nationale pour lutter contre les changements climatiques. On ne sait toujours pas comment ces mesures vont s'intégrer dans les CPDN.
Sans un appui substantiel offert aux pays africains, ceux-ci ne pourront pas atteindre les objectifs et les cibles définis dans les CPDN. Il faut clairement inscrire ces CPDN dans la lignée des initiatives nationales existantes, telles que les MAAN, les Programmes d'action nationaux d'adaptation (PANA) et les Plans nationaux d'adaptation (PNA), si l'on veut que l'Afrique soit partie prenante de l'adoption d'un nouvel accord à Paris. En ce qu'elles constituent des engagements et des objectifs nationaux, les CPDN doivent tenir compte des priorités, des réalités et des capacités de chacun des pays africains.
Quelle place a l'adaptation dans les CPDN ?
L'adaptation aux changements climatiques relève de la responsabilité collective de la communauté internationale à lutter contre ce phénomène, en particulier dans les régions vulnérables comme l'Afrique. L'adaptation n'est pas seulement l'affaire des Pays les moins avancés (PMA). Tous les pays sont concernés, qu'ils soient avancés ou non. Par conséquent, l'appui à l'adaptation doit être énoncé clairement dans les CPDN. Sans cet appui, il devient extrêmement difficile pour les pays africains de participer à la réponse planétaire aux changements climatiques. Prendre en compte l'adaptation dans le contexte africain est une question urgente de développement. Et cela devrait faire partie du nouvel accord, en ce que l'Afrique est concernée. Toutefois, inclure l'adaptation dans les CPDN soulève des questions liées à la difficulté de prendre des engagements contraignants en matière d'adaptation comparé à l'atténuation. Enfin, les CPDN devraient indiquer clairement que l'adaptation ne saurait se substituer à l'atténuation. Il faut que l'adaptation soit sérieusement prise en compte dans les CPDN et dans le nouvel accord de Paris en décembre.
Soutien important du Groupe africain des négociateurs et fervent défenseur de la Position commune africaine sur les changements climatiques, la Banque africaine de développement (BAD) reconnaît l'importance des CPDN, en ce qu'elles sont une voie possible pour un développement durable à long terme, dans le contexte du changement climatique. Pour un continent où l'éradication de la pauvreté demeure un objectif majeur, il faut continuer de porter l'attention sur les réalités cruciales du contexte socioéconomique des pays africains et sur leur capacité à contribuer aux efforts internationaux de lutte contre le changement climatique et de s'engager à y participer. La tâche sera ardue et la communauté internationale a un rôle important à jouer pour soutenir les pays d'Afrique. Cela doit être apparaître de façon explicite dans le nouvel accord.