L'Afrique a lancé, mardi 1er décembre 2015, un message sans équivoque de solidarité, affichant une unité de vues, lors de l'ouverture officielle du Pavillon de l'Afrique, en marge de la COP21, la 21e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Et l'Afrique n'est pas venue à la table des négociations tendre sa sébile, a tenu à souligner d'emblée le président du Bénin, Thomas Yayi Boni.
L'Afrique n'est pas venu à Paris pour demander de l'agent ni de l'aide, a-t-il déclaré face à un parterre de personnalités, mais pour « susciter l'engagement de toutes les parties concernées vis-à-vis des besoins de l'Afrique en matière d'adaptation climatique ».
« Les besoins en adaptation et en atténuation du continent n'ont rien à voir avec de l'aide », a dit le chef de l'État béninois, « mais relèvent de la simple justice, parce que le changement climatique est un phénomène global qui n'a pas été causé par l'Afrique. Le moment est venu de passer à l'action. La maison est en flammes », a-t-il martelé.
En Afrique, le changement climatique fait planer de graves menaces sur les efforts de développement économique et a des implications et des impacts majeurs pour les économies africaines. Les extrêmes climatiques - sécheresses, inondations, vagues de chaleur et cyclones tropicaux - y sont devenus plus fréquents et plus intenses. La menace de la montée du niveau de la mer se fait plus réelle pour les populations nombreuses du littoral de l'Afrique. Des secteurs aussi divers que reliés les uns aux autres, comme l'agriculture, le tourisme, les zones urbaines, les disponibilités en eau, la santé, l'énergie ou la pêche risquent, tous, de subir les impacts du changement climatique. Cette COP21 marque une étape décisive dans les négociations autour de l'accord mondial sur le changement climatique qui a été promis au terme de ce sommet du climat à Paris.
De nombreuses personnalités ont fait le déplacement pour assister à l'inauguration du Pavillon Afrique, parmi lesquelles des chefs d'État et de gouvernements africains, des parlementaires du continent, et les dirigeants des quatre grandes institutions panafricaines : la Commission de l'Union africaine (CUA), la Banque africaine de développement (BAD), l'Agence de planification et de coordination du NEPAD, et la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA).
« Le message de l'Afrique à ce sommet est clair : nous voulons d'un accord qui soit légalement contraignant et qui mette en place un cadre de gouvernance mondial, liant toutes les parties, tenant compte des enjeux de l'adaptation et de l'atténuation, et qui soit susceptible de se traduire par des apports appropriés en financements et en mesures de développement et de transfert technologiques », a déclaré Nkosazana Dlamini Zuma, présidente de la Commission de l'Union africaine. Et de poursuivre : « Ce nouvel accord doit prévoir l'engagement de tous à réduire les émissions à effet de serre afin de plafonner la hausse de la température à un niveau bien inférieur à 2 °C. Cet accord devra consacrer les principes de responsabilité commune mais différenciée, de justice sociale et d'équité. Et les Africains devront s'exprimer d'une seule voix ».
Madame Zuma a également évoqué le souci de l'Afrique de définir sa trajectoire de développement pour les 50 ans à venir - ce qu'elle a fait dans son Agenda 2063 : L'Afrique que nous voulons -, soulignant que celle-ci doit être durable et à faibles émissions de carbone. « Avec l'Agenda 2063, nous comptons nous adapter aux changements climatiques et en atténuer les effets, mais aussi y arriver de façon à renforcer les capacités, les travaux de recherche et les institutions de l'Afrique, que ce soit dans le domaine de l'agriculture, de l'agroalimentaire ou des énergies renouvelables. Ainsi, nous contribuerons au développement du continent et à créer les moyens d'existence et les emplois dont nos jeunes des deux sexes ont si besoin ».
« On ne pourra se prononcer sur le succès de la COP21 que si elle répond aux besoins de notre continent, a lancé le président de la Banque africaine de développement », Akinwumi Adesina. Avant d'ajouter : « L'Afrique est le continent qui souffre le plus des chaleurs accablantes produites par l'élévation des températures, et les sécheresses y sont devenues plus fréquentes et plus intenses que jamais auparavant. L'Afrique a besoin de ressources financières plus conséquentes pour l'adaptation. Le continent a injustement souffert du changement climatique. Mais nous devons veiller à ce qu'elle ne subisse pas d'injustices face au financement climatique. La BAD va tripler son appui financier en faveur de l'action climatique et les porter à 5 milliards de dollars par an d'ici à 2020 ».
Ibrahim Assane Mayaki, directeur général de l'Agence de planification et de coordination du NEPAD, a fait l'éloge de la coopération dont les quatre institutions ont fait preuve en mettant sur pied le Pavillon Afrique. Ces mêmes institutions devront poursuivre leur collaboration pour promouvoir le développement socio-économique de l'Afrique, a-t-il dit.
Et de souligner que « L'Afrique doit continuer à militer pour un accord qui réaffirmera les obligations des pays développés à déployer des financements climatiques qui soient de caractère additionnel, prévisible et durable. Cet accord devra prévoir l'évaluation continue des besoins en financements au regard des financements climatiques actuellement disponibles, notamment auprès de sources publiques, et il devra instituer un processus clair de répartition du fardeau en vue de calculer les contributions que les parties du monde développé auront à apporter ».
En Afrique, les énergies renouvelables offrent des perspectives sans précédent s'agissant d'accélérer la transition vers des services modernes et un accès étendu dans le secteur de l'énergie. Ce qui aura des retombées positives en termes de création d'emplois, d'autonomisation des femmes et de développement économique.
Défendant le même point de vue, Carlos Lopes, secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA), a rappelé que l'Afrique est richement dotée en sources d'énergies renouvelables de toutes sortes - hydroélectrique, solaire, éolienne, géothermique, biomassique et même marine. « Pourtant, a-t-il déploré, nous nous trouvons dans une situation où la puissance électrique installée totale de l'Afrique n'est que de 160 gigawatts environ. Pour la comparaison, cela représente à peine plus de la moitié de la capacité installée au Japon. Si nous excluons l'Afrique du Nord et l'Afrique du Sud, la capacité installée du reste de l'Afrique est inférieure à celle de l'Afrique du Sud. Malgré l'abondance des ressources en énergies renouvelables de l'Afrique, son bouquet énergétique est toujours dominé par les combustibles fossiles (gaz, charbon et mazout), et ses ressources renouvelables ne représentent que 22 % de la puissance installée et sont dominées par l'énergie hydroélectrique ».
Egalement présent, le ministre égyptien de l'Environnement, Khaled Al Fahmy, qui préside la Conférence ministérielle africaine sur l'environnement (AMCEN), a présenté les avantages de l'Initiative africaine pour les énergies renouvelables (AREI par acronyme en anglais), qui a selon lui la vertu d'être transformatrice et 100 % africaine, et à même d'accélérer la mise en valeur de l'énorme potentiel du continent en énergies renouvelables.
Sous l'égide de l'Union africaine et avec l'aval du Comité des chefs d'État et de gouvernement africains sur les changements climatiques (CCEGACC), cette Initiative vise à créer au moins 10 gigawatts en nouvelles capacités de génération électrique d'ici à 2020, et à exploiter le potentiel de l'Afrique jusqu'à se doter d'une puissance installée totale d'au moins 300 gigawatts d'ici à 2030.