Les projets agricoles mis au point pour l'Afrique doivent pouvoir bénéficier du soutien des banques et contenir des mesures incitatives pour attirer les investisseurs privés qui cherchent à générer des bénéfices et les jeunes en quête d'emploi.
Tel a été le message clé de Jennifer Blanke, vice-présidente en charge de l'agriculture et du développement humain et social à la Banque africaine de développement (BAD), jeudi 7 septembre 2017, lors de la 7e édition du Forum de la révolution verte en Afrique à Abidjan, en Côte d'Ivoire.
Madame Blanke était membre d'un panel d'experts réunis pour une session intitulée « Conclure l'affaire - investir dans l'agriculture africaine », aux côtés du ministre sénégalais de l'Agriculture, Papa Seck, du vice-président du groupe nigérian Dangote, Sani Dangote, et de Karim Lofti Senhaji, PDG d'OCP Africa, groupe marocain.
Selon elle, il faut cesser de voir dans l'agriculture en Afrique un mode de vie traditionnel et la considérer comme une activité lucrative. « Traditionnellement, on attend de grands projets agricoles de la part des gouvernements. Désormais, il faut plus que jamais reconnaître que le secteur privé doit aussi participer aux financements pour que puisse se produire la révolution verte de l'Afrique », a-t-elle dit.
« Nous n'avons pas seulement besoin de l'appui financier des gouvernements et du secteur privé, mais aussi de savoir-faire, a poursuivi la vice-présidente de la BAD. Quand on regarde les technologies qui existent pour l'agriculture, le plus souvent elles ne parviennent pas aux agriculteurs, faute d'investisseurs privés pour combler ce fossé. »
La Banque africaine de développement va investir 24 milliards de dollars EU dans le secteur agricole au cours des dix prochaines années, a rappelé Jennifer Blanke, qui a toutefois souligné que cela ne sera pas suffisant pour mener et réussir une révolution verte en Afrique.
L'agriculture n'est pas sans risque pour les entreprises, a-t-elle concédé. Avant d'appeler les organisations internationales et les gouvernements à offrir des garanties et assurances dans l'agro-industrie.
« Vous ne pouvez pas vous attendre à un risque zéro dans l'agriculture, a-t-elle plaidé. Aussi l'un des rôles de notre Banque est-il de fournir des garanties contre les risques aux entreprises de l'agro-industrie. Ce, afin de réduire la perception du risque sur le continent, due surtout au changement climatique ».
« Si les investisseurs pouvaient eux aussi agir pour offrir des garanties contre les imprévus, comme les sécheresses ou les maladies de cultures, les investissements dans l'agriculture sur le continent s'en verraient préservés. »
Le continent attire des flux d'investissements importants, mais continue de souffrir de la pauvreté, a déploré Mamadou Sengafowa Coulibaly, ministre de l'Agriculture et du Développement rural en Côte d'Ivoire, invité à participer à la session. Et d'expliquer que c'est parce que l'accent est mis sur l'exportation de matières premières, et non sur la production de produits de qualité à valeur ajoutée.
« L'Afrique est le berceau de l'humanité, a-t-il lancé. Nous avons beaucoup de ressources naturelles, mais plus de cinquante ans après l'indépendance, c'est en Afrique qu'il y a le plus grand nombre de pauvres dans le monde ».
« Je crois vraiment que la réponse viendra d'investissements davantage axés sur l'apport de valeur ajoutée aux produits de l'agriculture, et que cela va aider les agriculteurs à gagner plus que ce qu'ils gagnent aujourd'hui. »
Mamadou Sengafowa Coulibaly a ajouté : « La chaîne de valeur dans le secteur agricole doit permettre aux petits exploitants agricoles d'avoir plus d'argent. Si nous voulons que les jeunes se prennent d'intérêt pour une agriculture rentable, les agriculteurs ne doivent plus être vus comme de simples producteurs de matières premières, mais comme des acteurs du processus d'ajout de valeur. »
Abondant en ce sens, la présidente de l'Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), Agnes Kalibata, a fait remarquer qu'un suivi de la performance et de l'évolution de la taille des petites entreprises agricoles est essentiel pour comprendre les défis sous-jacents à la révolution verte du continent.
Agnes Kalibata a saisi l'occasion de saluer le rôle de la BAD dans les progrès de l'agro-industrie, avec sa Stratégie "Nourrir l'Afrique" qui vise à transformer radicalement le secteur : « La BAD dit sa volonté constante de donner la priorité à l'agriculture à travers ses programmes comme son projet Nourrir l'Afrique et son Top 5, qui veulent transformer le secteur en un moteur de croissance économique et de développement de premier plan pour l'Afrique ».
La Banque africaine de développement s'est en effet dotée d'une stratégie ad hoc pour "Nourrir l'Afrique" en 2016, qui entend transformer l'agriculture africaine d'ici à 2025.
Le président de la Banque, Akinwumi Adesina, a lancé les Cinq grandes priorités de développement - dites "Top 5" ou High 5s en anglais - de l'institution en 2015 : "Éclairer l'Afrique et l'alimenter en énergie" ; "Nourrir l'Afrique" ; "Industrialiser l'Afrique" ; Intégrer l'Afrique" ; et "Améliorer la qualité de vie des Africains".
Lire nos articles sur l'AGRF 2017 ici : http://www.afdb.org/en/agrf
Hashtag officiel : #AGRF2017