Lors du dernier jour de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP24), vendredi 14 décembre 2018, la Banque africaine de développement a organisé en son Pavillon une table ronde sur la gestion des risques liés aux émissions de dioxyde de carbone par les pays exploitant des combustibles fossiles.
L'événement a permis de mettre au jour de nouvelles approches politiques dont pourraient s'inspirer les pays africains dotés d'énergies fossiles, afin de mieux gérer les risques liés aux émissions de gaz carbonique et de rehausser leurs ambitions en la matière.
La décarbonisation de l'économie africaine est devenue un enjeu majeur, les effets du changement climatique ne nous laissant guère le choix. Pour autant, les pays concernés, producteurs de combustibles fossiles, doivent impulser une transition juste et maîtrisée, qui prenne en compte les conséquences même de la décarbonisation, qui doivent être gérées avec raison.
Ainsi des impacts économiques à court terme : la marche vers la décarbonisation pourrait entraîner une baisse progressive des recettes d'exploitation des combustibles fossiles et la réduction potentielle des ressources en énergie fossile.
Les défis sont clairs : la décarbonisation de l'économie, à laquelle il va falloir se résoudre tôt ou tard, implique aussi d'agir vite, en révisant à la hausse la compétitivité en termes de nouvelles technologies énergétiques et en encourageant une industrie verte. Il s'agit à la fois de saisir toutes les opportunités qu'offre la croissance verte et de réduire au maximum les risques d'émission de CO2.
Contexte. Les impacts de pareille démarche de décarbonisation des économies varient en fonction des pays et de leur niveau de production de combustibles fossiles, du type de ressources et de réserves dont ils disposent, ainsi que de la répartition de la production entre les exportations et la consommation domestique.
Le contexte, les défis et les opportunités ne sont-ils donc pas les mêmes, selon que les pays sont des producteurs établis (comme le Nigeria, l'Afrique du Sud et l'Angola) ou émergents (comme le Ghana, le Mozambique et le Kenya). Par ailleurs, le fait que l'Afrique contribue pour moins de 4 % aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, tout en étant le continent le plus menacé par les changements climatiques, ravive quelques résistances au niveau régional face à la nécessaire transition énergétique.
Dans cet esprit, un membre de la délégation ivoirienne a mis en avant d'autres priorités qui prévaleraient sur la décarbonisation de l'économie africaine : l'éducation, l'éradication de la pauvreté et la lutte contre la malnutrition. Mais de plus en plus d'experts réfutent toute dichotomie. Selon eux, il est possible pour les pays d'atténuer les risques liés à leur production de combustibles fossiles tout en oeuvrant à leur développement économique et en respectant les ambitions climatiques auxquelles répond une croissance verte, à condition toutefois qu'ils aient accès à des données et informations précises et pertinentes. Aussi, est-il nécessaire de renforcer leurs capacités à incorporer les ambitions climatiques dans l'élaboration de leur politique à long terme (et multisectorielle).
Expertise. Selon Siân Bradley, de la Chatham House (Institut royal des affaires internationales), une fondation politique indépendante basée à Londres, par exemple, les pays africains producteurs de combustibles fossiles peuvent tout à fait réussir leur transition énergétique en mettant en œuvre des plans de réduction des émissions à long terme, d'ici à 2050.
« Le plus grand challenge est de trouver l'équilibre entre la recherche d'une croissance économique et les projets d'adaptation et d'atténuation, d'un développement durable et de la progression vers la transition énergétique, reconnaît-elle. Mais cela reste possible. »
Lutter contre la pauvreté et préserver la biodiversité et des ressources naturelles uniques du continent africain sont cruciales, ont renchéri Rose Mwebaza, chargée des ressources naturelles au Centre africain des ressources naturelles (CARN) de la Banque africaine de développement, et Glada Lahn, modératrice de la session et chercheur principale auprès de la Chatham House - un constat qui a fait consensus.
Il est nécessaire d'adopter une approche plus large et mieux coordonnée de la gestion du "risque carbone", sachant que le passage aux émissions nettes zéro CO2 affectera significativement les exportations de combustibles fossiles et la compétitivité des filières énergétiques et industrielles basées sur ces combustibles, mais engendrera, en contrepartie, des impacts positifs pour l'ensemble de l'économie.