Tahiru Ibrahim se félicite chaque jour de s'être lancé dans l'exploitation des karités qui poussent sur ses terres de savane, dans le nord du Ghana.
Aussi était-il un peu sceptique lorsqu'il a entendu parler, pour la première fois l'an dernier, de l'initiative de la Banque africaine de développement appelée « Technologies pour la transformation de l'agriculture africaine en savane » (TTAA-S). Ce programme a pour objectif de convertir une partie des terres en terrains agricoles non préparés et davantage rentables sur le plan commercial pour la culture du soja, du maïs et du riz.
« J'aime les arbres et le karité, en particulier, c'est ma richesse », affirme Tahiru Ibrahim. Grâce aux bénéfices tirés des exportations de karité, il a acheté des maisons à Tamale, Kumasi et Accra ainsi que ses véhicules agricoles.
Pour autant, l'agriculteur ghanéen a accepté de participer à un programme pilote du TTAA-S d'un montant de plus de 27,5 millions de dollars américains intitulé « Projet d'amélioration de la productivité agricole en zone de savane ». Il offre un appui technique et les financements nécessaires à la transformation, en sols destinés à l'agriculture traditionnelle, d'une partie des terrains de Tahiru Ibrahim, recouverts d'herbes, de karités et d'autres arbres et arbustes résistants au feu.
Cette saison, ses ouvriers ont ensemencé la terre avec des graines de maïs.
Assis sur une chaise en plastique, Tahiru Ibrahim, regarde, avec satisfaction, les quelque 100 hectares de robustes tiges de maïs de couleur verte montant vers le ciel.
« Mon maïs est vraiment beau. Je m'attends à une bonne année. Et une bonne année signifie une plus grande rentrée d'argent », se félicite le grand chef à la barbe blanche. « Je suis en train de devenir un agriculteur africain riche. »
Le projet d'amélioration de la productivité agricole en zone de savane, appelé SAPIP, a commencé l'an dernier avec seulement quatre exploitants agricoles du nord du Ghana et des plantations de maïs sur une superficie commune de 87 hectares. Aujourd'hui, ils sont douze agriculteurs, dont le chef Ibrahim, à participer au SAPIP.
Financée par la Banque africaine de développement, l'initiative s'est développée et porte maintenant sur environ 1 300 hectares. Outre une assistance pour la préparation des sols, les participants reçoivent une aide pour les semences, l'utilisation des engrais et l'équipement pour les récoltes. La gestion de l'initiative SAPIP revient à l'Autorité ghanéenne de développement de la région Nord et au ministère de l'Alimentation et de l'Agriculture.
« Nous allons faire davantage. Notre objectif est d'atteindre 20 000 hectares au minimum. Ensuite viendra le financement du matériel et des infrastructures comme les routes et les installations de stockage », explique Philip Boahen, économiste en chef à la Banque africaine de développement, chargé de la politique agricole et responsable du programme.
La Banque attend du projet SAPIP qu'il permette, d'ici à cinq ans, de tripler la productivité de la culture de riz par hectare, de doubler celle du maïs et de tripler le rendement concernant le soja.
Grâce au SAPIP, le volume des principales récoltes devrait également augmenter, la production de maïs pour la même période devant passer, par exemple, de 85 000 tonnes à 150 000 tonnes, et celle de soja de 80 000 à 140 000 tonnes.
Selon la Banque, l'augmentation de la productivité permettra de prendre moins de superficies sur la forêt pour les convertir vers l'agriculture. En outre, l'institution de financement aide les communautés agricoles participantes à replanter du karité et d'autres variétés rentables comme l'arbre à cachou.
Le projet SAPIP a aidé les agriculteurs à acquérir du matériel pour les récoltes tout en facilitant les contrats de vente avec les acheteurs. La plus grande partie des opérations sur le terrain sont mécanisées et utilisent des semoirs sans labour et des pulvérisateurs à buse ajustable.
Ce programme « m'a permis d'améliorer les produits que j'ai toujours cultivés », affirme Isaac Papanko, propriétaire d'Idan Agro Farms, dont la surface d'exploitation de maïs est passée de 70 à 220 hectares.
Isaac Papanko a l'intention d'ajouter de la valeur à ses produits bruts : il souhaiterait par exemple transformer le maïs en aliment pour volailles ou en gruaux de maïs pour répondre à la demande finale du marché.
« Le Ghana est devenu la grande réussite du TTAA-S », a affirmé Martin Fregene, directeur chargé de l'agriculture et de l'agro-industrie au sein de la Banque, lors d'une récente visite dans les exploitations agricoles participantes. Martin Fregene s'attend à ce que les districts sélectionnés dans le cadre du projet du SAPIP soient complètement transformés d'ici à trois ans.
Martin Fregene a également visité l'exploitation agricole de Kokubila Nasia, où un simple chemin de terre sépare le passé de la ferme de sa prospérité actuelle.
Dans l'exploitation agricole de Kokubila Nasia, la savane se trouve à l'arrière-plan et les plantes de soja au premier plan.
« Lors de la première saison de plantation agencée par le SAPIP, l'exploitation ne consacrait pas la totalité de ses terres au projet et préférait conserver les zones où il lui serait possible de planter ses propres cultures de maïs et de soja pour les vendre au marché », explique Hisham Seidu, agriculteur de l'exploitation de Kokubila Nasia.
Hisham Seidu, agriculteur ghanéen
« Mais pour la saison actuelle de plantation, mon exploitation consacrera toutes ses terres transformées au soja », affirme-t-il. « La récolte sera principalement vendue sous forme d'aliments pour poulets riches en protéines. » Lorsqu'on lui demande pourquoi il a abandonné la culture de produits destinés aux épiceries pour les préparations pour poulets élevés pour l'abattage, Hisham Seidu répond en plaisantant : « Nous sommes passés de l'alimentation directe des êtres humains à leur alimentation indirecte, mais tout cela fait partie de la même chaîne : je suis sûr que KFC apprécierait grandement nos efforts ! »
Le projet SAPIP a pour objectif notamment de faire bénéficier directement 50 000 personnes en augmentant les revenus et la sécurité alimentaire et nutritionnelle des agriculteurs. Il vise également à réduire de 40% la prévalence du retard de croissance chez l'enfant.
« Ici, au sein de nos communautés locales, nous pouvons faire cela nous-mêmes », a déclaré Edward Mabaya, directeur chargé du développement du secteur agroalimentaire au sein de la Banque africaine de développement. « C'est ainsi que le Ghana pourra se nourrir. », a-t-il conclu, avant de féliciter les exploitants agricoles participant au projet pilote ainsi que les équipes d'appui.