Particulièrement exposées aux chocs climatiques, les villes africaines se tournent vers l'adaptation et la résilience

14 Novembre 2022
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African Development Bank (Abidjan)
communiqué de presse

De l'eau. Trop, ou pas assez... Au Soudan du Sud, en 2021, les inondations dues aux crues des affluents du Nil ont succédé à un long épisode de sécheresse, tandis que la Somalie continue de souffrir d'un manque d'eau récurrent. En Algérie, en Égypte et en Libye, les tempêtes de sable sont devenues plus nombreuses et de plus grande ampleur, gagnant les villes, jusqu'à entraîner la fermeture de certains ports et aéroports. A contrario, dans le golfe de Guinée, les inondations se multiplient, destructrices, comme au Nigeria, particulièrement frappé cette année. Sur le cône sud du continent, la raréfaction des ressources en eau dues aux sécheresses persistantes, mettent en péril l'approvisionnement en eau des agglomérations, à l'instar d'Harare, la capitale du Zimbabwe. Le long du littoral, c'est la montée du niveau des eaux qui menace les infrastructures, une tendance qu'amplifient les cyclones, qui s'abattent de plus en plus souvent sur les pays bordant l'océan Indien - Madagascar et Mozambique au premier chef.

On le sait : l'Afrique, bien qu'elle ne contribue qu'à 4 % environ des émissions mondiales de gaz à effet de serre, pourrait payer le plus lourd tribut à l'accélération des changements climatiques. Ce que l'on sait moins, ce sont leurs impacts, exacerbés, en zones urbaines, déjà sous pression - notamment démographique : pas moins de 70 % des villes africaines seraient hautement vulnérables aux chocs climatiques... or elles sont aussi les épicentres économiques du continent. Et ne cessent de grandir.

Sur les 100 villes à la croissance la plus rapide au monde, la majorité de celles qui sont désignées comme confrontées à un " risque extrêmement important " se situe en Afrique.

Changements climatiques : une menace particulièrement prononcée sur les plus grandes villes africaines.

Source: Verisk Maplecroft Climate Change Vulnerability Index ©Verisk Maplecroft, 2021.

De tous les aléas climatiques extrêmes qui s'abattent sur les villes africaines, celui des inondations semble l'un des plus prégnants. Elles causent d'importants dégâts matériels et affectent surtout les populations les plus vulnérables : les quartiers informels, nombreux dans les agglomérations africaines qui ont grandi trop vite, sont souvent bâtis sur des zones à risques, le long de cours d'eau ou à flanc de collines exposées aux glissements de terrain.

La plupart des mégalopoles du continent sont situées sur les côtes. Aussi l'Afrique est-elle aussi largement exposée à l'élévation du niveau des mers. Le delta du Nil (Égypte) et les îles comme les Seychelles sont en première ligne, tout comme d'importantes villes côtières comme Saint-Louis (Sénégal), Lomé (Togo), ou Lagos (Nigeria), une mégalopole en pleine expansion bordée par les lagunes.

Enfin, un quart des villes africaines est exposé à un haut risque de sécheresse, ce qui pourtant ne freine en rien leur essor. Entre 2000 et 2030, la population africaine urbaine vivant dans des zones arides pourrait avoir triplé en Afrique australe et quadruplé en Afrique du Nord ; en zone intertropicale, elle pourrait avoir été multipliée par 8.

Et c'est comme un cercle vicieux qui s'entretient : les épisodes de sécheresse devraient aussi se multiplier dans les campagnes africaines et y rendre la vie plus difficile... et donc nourrir l'exode rural, qui vient, le plus souvent, grossir les quartiers informels en périphérie des centres urbains.

Impacts des changements climatiques sur les villes africaines

Source : Banque africaine de développement, 2021.

Revenons aux caractéristiques des villes africaines, qui s'avèrent, avant tout et contrairement aux idées reçues, des terreaux d'opportunités : elles ont beaucoup plus à offrir en termes économiques, éducatifs, de services de base et de santé, que les zones rurales, outre qu'elles accélèrent la transition démographique - force est de constater que les citadins ont tendance à faire moins d'enfants que leurs homologues en milieu rural, comme le soulignent de récentes études synthétisées dans Dynamiques de l'urbanisation en Afrique 2022 - Le rayonnement économique des villes africaines, que la BAD et l'OCDE ont publié en 2022.

Revers de la médaille, les villes africaines captent l'exode rural et ne cessent de croître à toute vitesse. Sans même avoir le temps ni les ressources pour anticiper et planifier leur expansion. Ceci est vrai pour les mégalopoles, mais aussi pour les villes petites et moyennes d'Afrique (moins de 300 000 habitants) : celles-ci devraient accueillir plus de 70 % des néo-citadins dans les prochaines décennies. Or, elles ont des capacités d'investissement et de gestion bien moindres que les capitales. Et si la concentration de population est source de richesse, elle peut aussi se révéler source de vulnérabilité, en particulier dans les quartiers informels, où viennent s'installer les populations issues des campagnes.

Les villes africaines font donc face à un double défi : leurs efforts pour fournir des services de base et des emplois à une population croissante dans des économies où domine le plus souvent le secteur informel, se heurtent à des chocs climatiques appelés à s'amplifier. Et qui entraînent une raréfaction de ressources en eau et endommagent les infrastructures existantes.

Les gouvernements africains sont désormais pleinement conscients de l'importance stratégique à accorder aux villes dans les réponses à apporter aux changements climatiques. Une étude commandée par la Banque africaine de développement et menée par l'University of Southern Denmark se penche précisément sur la place qu'occupent les villes dans les Contributions déterminées au niveau national (CDN) que les 54 pays africains membres de la BAD ont déposées en vue de la COP27. On y constate que 49 intègrent désormais les enjeux urbains dans leurs CDN, contre 41 en 2016. Si certains présentent des stratégies de réduction de leurs émissions carbone (dans la production d'énergie, le traitement des déchets et les transports, notamment), c'est bel et bien la question de l'adaptation qui est mise en avant. Sur ce volet, l'approvisionnement en eau, la construction d'infrastructures résilientes et la protection des zones côtières sont les plus cités.

Référence à la composante urbaine dans les CDN des pays africains

Source: Urban Development and the African NDCs: From national commitments to City Climate Action, AfDB/ SDU, 2022.

La Banque africaine de développement participe à nourrir la réflexion sur le sujet.

A l'occasion de la COP27, la BAD publie un rapport, Financer des villes africaines résilientes et peu carbonées (Financing Low Carbon and Resilient Cities in Africa - en anglais), synthèse d'une série d'études qui ouvre des pistes stratégiques. Une meilleure planification de l'expansion urbaine et la construction d'infrastructures adaptées aux évolutions climatiques y sont identifiées comme deux leviers à fort potentiel transformateur. En fait, tenir compte des risques climatiques dans les investissements peut même s'avérer une opportunité pour bâtir de vraies stratégies urbaines globales, auxquelles participent les communautés locales et qui renforcent l'inclusion sociale. La ville doit être pensée comme un tout et saisie dans toutes ses interdépendances.

Reste que le manque de ressources financières locales demeure l'un des principaux obstacles. Les villes doivent parvenir à dégager des sources de revenus qui leur sont propres, à charge pour les États d'accélérer la décentralisation fiscale et d'en accompagner la mise en œuvre technique pour préparer les administrations locales à gérer pareils budgets.

Combler ce déficit d'investissement - en partie du moins - est précisément le rôle d'un bailleur de fonds comme la Banque africaine de développement, qui a fait de l'adaptation aux changements climatiques l'une des pierres angulaires de sa politique. En témoigne l'adoption, en 2021, de son Cadre stratégique sur les changements climatiques et la croissance verte, dans lequel elle s'engage à ce que chaque infrastructure qu'elle finance soit conçue en tenant compte des enjeux du changement climatique.

Plus fondamentalement, la Banque change d'approche vis à vis des villes : elle ne finance plus de projets au coup par coup, chacun dans son secteur spécifique, mais entend désormais penser l'environnement urbain de façon globale et, surtout, travailler en amont sur les questions de planification urbaine, de gouvernance et de gestion financière - là aussi en intégrant la variable climatique.

Pour ce faire, le Fonds de développement urbain et municipal, que la Banque a créé en 2019, apporte précisément aux municipalités africaines l'appui stratégique et technique qui souvent leur font défaut pour évaluer le risque climatique et intégrer pleinement cette composante dans leurs plans d'action. Le financement du plan d'aménagement de la Sheger River qui traverse Addis Abeba, par le Fonds de développement urbain et municipal d'études préparatoires, est un bon exemple : un plan de protection d'un territoire contre un aléa climatique (en l'occurrence, les inondations) peut se muer en projet de développement intégré, au service de la qualité de vie des populations urbaines (lire l'article).

Cette année, de nouvelles municipalités sont venues frapper à la porte du Fonds de développement urbain et municipal pour bénéficier de son programme d'accompagnement, avec le renforcement de leur préparation face aux aléas climatiques, pour priorité première. Ainsi de Kanifing en Gambie, exposée à l'érosion côtière, ou de Djibouti, particulièrement vulnérable aux inondations, pour lesquels des plans d'actions seront développés courant 2023. Là aussi, le Fonds entend privilégier une approche globale, liant résilience, opportunités économiques et inclusion sociale.

La Banque africaine de développement poursuit ces réflexions à l'occasion de la COP27, lors d'une table ronde organisée avec la Banque mondiale le mercredi 16 novembre, à 13 h, intitulée " S'unir pour faire face au changement climatique : Banques multilatérales de développement, villes et action climatique en Afrique " (Uniting to tackle climate change: MDBs, Cities and climate action in Africa), au Pavillon des BMD.

La Banque africaine de développement organise le lendemain, jeudi 17 novembre, une autre table ronde, intitulée " Des infrastructures adaptées au risque climatique, des solutions pour des villes africaines résilientes et décarbonées " (Climate-proof Infrastructure, Solutions for low-carbon and resilient development in Africa), de 9 h à 10 h 30, au Pavillon Afrique.

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