Plus intenses et plus fréquentes, les catastrophes climatiques n'épargnent plus aucun continent, causant des dommages irréversibles aux populations et aux écosystèmes. La prise de conscience ne suffit plus. Une action massive et rapide s'impose, notamment en Afrique.
Le sol qui craquèle dangereusement dans la Corne de l'Afrique ; le blizzard qui recouvre de neige les palmiers à Los Angeles ; une mousson hors norme qui jette des millions de Pakistanais à la rue ; une sécheresse inédite qui assèche Venise laissant à quai ses gondoles dans des canaux de boue...La crise climatique n'est plus une hypothèse de moyen terme, mais bien une réalité d'aujourd'hui.
Si l'Histoire est jalonnée d'extrêmes climatiques, la communauté scientifique n'en finit plus d'alerter sur leurs conséquences actuelles. Du réchauffement à l'urgence climatique, nous voilà confrontés à un choc climatique planétaire !
Sous la pression de l'activité anthropique, la Terre s'est réchauffée de plus de 1°C depuis l'ère préindustrielle. De 2015 à 2022, nous avons connu les étés les plus chauds jamais enregistrés, dépassant les 50°C à certains endroits du globe. Nul n'est épargné par le dérèglement climatique. Plus alarmant est le constat sur la biodiversité : jusqu'à un million d'espèces sont menacées d'extinction dans les prochaines décennies.
À la dérive climatique, l'intensité des impacts s'est nourrie, ces quinze dernières années, de conflits, crises financières, pandémies et famines, menaçant toutes les formes de souveraineté sanitaire, alimentaire et budgétaire.
Face à ces enjeux, « l'humanité a un choix : coopérer ou périr ; ce sera soit un pacte de solidarité climatique, soit un pacte de suicide collectif », a assené, avec gravité, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, lors de la COP27 à Charm El-Cheikh.
Agir ensemble et vite
Ne pas agir est un aveu d'échec. En décembre 2022 à Tanger, au Maroc, la Banque africaine de développement et ses partenaires ont mobilisé 8,9 milliards de dollars pour le Fonds africain de développement (FAD-16)[1]. Un nouveau guichet d'action climatique destiné aux pays à faible revenu du continent a été créé. « Le FAD-16 soutiendra le développement d'infrastructures de qualité durables et résilientes aux changements », a souligné à cette occasion le président de la banque, Akinwumi Adesina.
Plus récemment, fin janvier, à l'occasion du Sommet Dakar 2 consacré à la souveraineté alimentaire et à la résilience du continent, les partenaires au développement se sont engagés à hauteur de trente milliards de dollars sur cinq ans pour soutenir la mise en oeuvre de pactes nationaux agricoles. Une enveloppe qui inclut dix milliards de dollars de la Banque africaine de développement pour aider l'Afrique à éradiquer la faim et devenir le principal fournisseur de denrées alimentaires dans le monde.
Cependant, en l'absence d'action climatique concertée, la souveraineté alimentaire globale reste à l'état d'objectif. La plupart des pays lourdement affectés par les changements climatiques se trouvent en Afrique, où les températures dépassent déjà les seuils au-delà desquels toute production agricole est quasi impossible. De lourdes menaces pèsent en particulier sur les petits producteurs vivriers. Le droit à l'alimentation est remis en cause tout comme l'adaptation de la majorité des pays africains.
Des crises en série et un continent aux innombrables ressources inexploitées
Cruel paradoxe d'un continent qui possède 65 % des terres arables non cultivées dans le monde, l'Afrique importe aujourd'hui plus de 100 millions de tonnes métriques de nourriture pour une valeur annuelle de 75 milliards de dollars. Au-delà de la simple résilience, le continent africain peut devenir une véritable puissance alimentaire mondiale.
Or, le climat n'est plus le seul défi. Le conflit russo-ukrainien a placé les systèmes alimentaires face à un triple défi : productif, économique et géopolitique. La capacité des Africains à produire et se nourrir s'en trouve fragilisée. Ce contexte a fortement perturbé l'approvisionnement mondial en denrées alimentaires et provoqué l'envolée des prix des matières premières. Plus de 280 millions de personnes en Afrique souffrent de la faim. Inacceptable.
En réponse, la Banque africaine de développement a déployé la Facilité africaine de production alimentaire d'urgence : une enveloppe de 1,5 milliard de dollars en soutien à 34 pays africains et à 20 millions d'agriculteurs pour produire 38 millions de tonnes de denrées alimentaires, d'une valeur de 12 milliards de dollars.
La succession des crises redéfinit notre marche collective vers un même cap : la souveraineté alimentaire du continent africain. Il est vital de ne pas dévier en chemin. Chaque épreuve est une opportunité de faire différemment.
[1] 16ème cycle de reconstitution du Fonds africain de développement, guichet concessionnel du Groupe de la Banque africaine de développement qui accorde des dons et des prêts à taux préférentiels aux pays à faible revenu du continent.