Alors que le gouvernement congolais a annulé les permis d'exploitation de plusieurs entreprises minières, une coalition de plus de vingt ONG et églises monte au créneau. Elles menacent de manifester et en appellent directement au président de la République pour l'annulation de cette mesure controversée.
Après l'intervention de « Justicia asbl », une entité consacrée à la défense des droits humains, une coalition composée d'une vingtaine d'organisations non gouvernementales et de communautés religieuses prend le relais. Conduite par l'IPDHOR/ASBL (Institut de Promotion et de Développement Humanitaire et des Organisations à Responsabilité) et l'ONG ADID (Action pour le Développement Intégral et Durable), cette coalition s'adresse aux autorités congolaises à leur plus haut niveau, tout en brandissant la menace de manifestations publiques si la décision d'annuler les permis n'est pas révoquée.
Les ONG sont vent debout contre la déchéance de plusieurs permis d'exploitation minière dans les provinces du Lualaba et du Haut-Katanga. À l'origine de leur ire, une série d'arrêtés ministériels pris le 29 août 2023 par la ministre en charge des Mines à l'encontre de plus d'une vingtaine d'entreprises. Ces dernières se voient ainsi écartées des opérations de prospection et d'extraction.
Selon les arrêtés signés par Antoinette N'Samba Kalambayi, la ministre en charge des Mines, ces entreprises se seraient rendues coupables de « non-respect de leurs obligations sociétales » en matière de signature de cahiers de charges avec les communautés locales. Une accusation que les ONG trouvent contestable. Elles évoquent une grande consternation et s'insurgent contre ce qu'elles perçoivent comme une décision arbitraire. Dans une lettre ouverte adressée au Premier Ministre Sama Lukonde, ces institutions invoquent les répercussions socio-économiques de cette déchéance : la possible perte d'emplois, l'impact sur les communautés locales et l'économie en général.
« Il y a même lieu de se demander si les décisions prises par Madame la Ministre des Mines ont une autre motivation, encore plus si c'est un arbre politico-administratif qui cache la forêt », s'interrogent l’IPDHOR et ses consœurs, mettant en avant des avancées récentes dans le dialogue entre les sociétés incriminées et les communautés. Prenant l'exemple de deux filiales du groupe Eurasian Resources Group (ERG) — COMIDE et Boss Mining — ces entreprises ont, respectivement depuis le 9 août et le 24 août, signé des cahiers de charges abordant leur action sociale et environnementale avec une vingtaine de communautés du Haut-Katanga et de Lualaba. Ces initiatives récentes semblent en contradiction avec l'accusation de « non-respect des obligations sociétales » portée par le gouvernement, mettant depuis en porte-à-faux cette dernière.
Enjeux Locaux et Humanitaires
Pour les ONG, la décision du gouvernement est inique et pourrait avoir des conséquences dramatiques pour les populations locales qui dépendent économiquement des activités minières. D'après la coalition, la levée des permis engendrerait une précarité supplémentaire dans les foyers, et rendrait inutiles les cahiers de charges récemment signés qui promettaient des projets de développement local.
« Ces décisions sont iniques et ne rencontrent aucun intérêt des communautés locales qui espéraient déjà pousser un ouf de soulagement par le fait de la signature des cahiers de charges, qui contient un certain nombre de projets émanant de la base à mettre en œuvre avec les fonds qui viendraient de ces entreprises sanctionnées », fustigent les ONG. Et de prévenir sur les retombées « au niveau des foyers qui risquent de subir les effets de cet arrêté, car la population vit grâce à ces compagnies minières. »
Et ce n'est pas tout. Les organisations de la société civile mettent également en garde contre des risques sécuritaires. Selon elles, la déchéance des permis pourrait encourager la montée de l'exploitation minière illégale et artisanale, avec des répercussions sur le respect des droits humains dans ces zones.
Appel au Gouvernement
La coalition d'ONG et d'églises exhorte ainsi le gouvernement, et le président Félix Tshisekedi à annuler les arrêtés et à reconsidérer la situation. Elles rappellent que le pays a récemment adhéré aux Principes volontaires en matière de droits humains et de sécurité dans le secteur extractif, et que ces décisions vont à l'encontre de ces engagements internationaux. « Nous sollicitons votre implication, en tant que Chef de Gouvernement, pour faire annuler ces arrêtés et les mesures que nous considérons iniques et préjudiciables aux intérêts des communautés locales de Kambove et de Kakanda,» peut-on lire dans la lettre.
Prochaines étapes ? Pour ces organisations, si rien n'est fait, des manifestations sont déjà prévues dans les jours à venir pour exprimer le mécontentement populaire face à ces décisions, apprend-on.