Révision de la Constitution - Tout comprendre au sujet ambigu qui divise la société congolaise

24 janvier 2019: Investiture du nouveau Chef de l'État, S.E.M Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo
22 Novembre 2024
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InfoWire

Depuis lannonce officielle faite par Félix Tshisekedi le 23 octobre 2024 à Kisangani, la République démocratique du Congo (RDC) est au cœur dun débat houleux sur la révision de sa Constitution. Présentée par le chef de l’État comme une démarche nécessaire pour moderniser les institutions et adapter la loi fondamentale aux réalités nationales, cette initiative suscite de vives inquiétudes au sein de lopposition et de la société civile, qui y voient une tentative de prolonger son mandat présidentiel au-delà des limites actuelles.

L’allocution présidentielle, prononcée dans une ville symbolique où une partie des travaux constitutionnels s’étaient déroulés, a fustigé une Constitution que Tshisekedi a qualifiée de “rédigée à l’étranger par des étrangers” et inadaptée aux défis contemporains du pays. Ce texte, qui avait pourtant été approuvé à une écrasante majorité par référendum en 2005, est aujourd’hui jugé obsolète par le pouvoir en place.

Pour répondre à ces prétendues failles, le président a proposé la création en 2025 d’une commission d’experts chargée de réfléchir aux amendements nécessaires. Il a cependant insisté sur le fait que cette révision n’aurait aucun lien avec la question d’un éventuel troisième mandat, une affirmation accueillie avec scepticisme par ses adversaires.

Dans ce cadre, Tshisekedi a particulièrement insisté sur la nécessité de réviser l’article 217, qui autorise des accords impliquant un abandon partiel de souveraineté au profit de l’unité africaine. Selon le président, cet article constitue une menace directe pour la souveraineté congolaise, car il pourrait théoriquement permettre à des États étrangers d’intervenir dans des questions cruciales pour le pays. Cette proposition vise, selon ses partisans, à protéger les intérêts fondamentaux de la RDC et à renforcer la capacité de l’État à défendre son indépendance sur la scène internationale.

Par ailleurs, les soutiens du président estiment que l’actuelle durée des mandats présidentiels, fixée à cinq ans renouvelables une fois, ne permet pas de mener à terme les projets structurants nécessaires au développement du pays. Une pétition déposée à l’Assemblée nationale, portée par une organisation de la société civile, appelle à étendre cette durée à sept ans, avec un renouvellement unique. Selon ses initiateurs, cette mesure garantirait une stabilité institutionnelle accrue et offrirait aux dirigeants le temps nécessaire pour exécuter des politiques de long terme, tout en réformant des aspects clés de la gouvernance tels que le système judiciaire.

L’opposition, qui regroupe des figures emblématiques telles que Martin Fayulu, Moïse Katumbi et Denis Mukwege, dénonce ce projet comme une manœuvre visant à contourner l’article 220 de la Constitution, qui interdit formellement toute révision touchant à la limitation des mandats présidentiels. Ces leaders politiques accusent Tshisekedi de chercher à s’éterniser au pouvoir, en suivant un schéma déjà observé dans plusieurs pays africains. Les tensions ont culminé lors de manifestations organisées à Kinshasa le 14 novembre 2024, où des opposants, notamment Delly Sesanga, ont été brièvement interpellés par les forces de l’ordre.

L’Église catholique, influente dans la vie politique congolaise, a également exprimé une vive opposition à ce projet. La Conférence épiscopale nationale du Congo a qualifié cette révision de dangereuse pour la cohésion nationale, rappelant que la Constitution actuelle est le fruit de compromis après des années de conflits meurtriers. Parallèlement, la société civile, par le biais d’organisations locales, a lancé une pétition qui a recueilli plus de 100 000 signatures pour s’opposer à cette initiative. Ces acteurs critiquent une tentative de détourner l’attention des problèmes majeurs tels que la crise sécuritaire à l’Est, où les violences persistent, et les défis socio-économiques qui frappent durement la population.

À noter que, par le passé, Étienne Tshisekedi, père de l'actuel président, s'était fermement opposé aux tentatives de prolongement de mandat envisagées par le président Joseph Kabila. En 2015, alors que le camp Kabila envisageait de s’éterniser au pouvoir, Étienne Tshisekedi avait dénoncé cette manœuvre, la qualifiant de menace pour la démocratie congolaise et appelant au respect strict de la Constitution.

L’attention se porte désormais sur l’année 2025, lorsque la commission d’experts commencera ses travaux. Cette étape sera cruciale pour déterminer si la révision constitutionnelle sera menée de manière transparente et inclusive, ou si elle constituera un nouvel épisode de crise dans l’histoire politique tumultueuse de la RDC. Ce débat, qui met en lumière les ambitions du président et les craintes de l’opposition, pourrait redéfinir durablement les équilibres institutionnels et la trajectoire démocratique de la nation congolaise.

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