De gauche à droite : Mustapha Baïtas, ministre chargé des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement marocain ; Baronne Warsi, membre de la Chambre des Lords du Royaume-Uni ; Alexandre Kateb, fondateur du cabinet The Multipolarity Report ; Adeel Malik, professeur d'économie du développement à l'université d'Oxford, prenant part à une table ronde de l'AIF 2023 intitulée. : "La voie marocaine : équilibrer la croissance économique et les impératifs sociaux".
Depuis un quart de siècle, le Maroc a profondément modernisé son économie, sous l'impulsion de son souverain, le Roi Mohammed VI. Le pays s'est appuyé sur ses performances économiques pour lancer le chantier d'une politique sociale de grande ampleur.
A l'occasion d'une table ronde intitulée « La voie marocaine : équilibrer la croissance économique et les impératifs sociaux », tenue mercredi dans le cadre de l'Africa Investment Forum 2023 à Marrakech (8-10 novembre), les panélistes ont mis en lumière les enjeux de cet engagement de l'Etat, ferment de la cohésion sociale marocaine.
« Depuis plus de vingt ans, les réformes ont été planifiées graduellement, avec détermination, conformément à l'engagement du Souverain. Économie, éducation, progrès social... Pour la cohésion de notre pays, il faut asseoir un système de solidarité fort », a souligné M. Mustapha Baïtas, ministre chargé des Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement marocain.
De fait, le Royaume a achevé le premier axe de ses réformes sociales consistant à généraliser la couverture médicale à tous les citoyens, avec un effort particulier en direction des populations vulnérables. Le tremblement de terre, qui a frappé le centre du pays, a accéléré le mouvement : le gouvernement a mobilisé 12 milliards d'euros sur cinq ans en faveur de 4,2 millions d'habitants, pour la reconstruction, le relogement et la valorisation socioéconomique des zones affectées par le séisme.
Après la protection sociale universelle, le Maroc est désormais engagé dans la deuxième étape de ses réformes, à savoir établir un régime unifié d'allocations familiales, tout en travaillant à la mise en place d'un système d'allocations chômage solide et d'un système de retraite pérenne et équitable.
« Le Maroc est un État-nation, qui dispose de tous les atouts pour assurer la solidarité entre ses citoyens. Cela fait partie de son ADN, de son système politique, de sa culture populaire », a affirmé M. Mustapha Baïtas, ajoutant qu'un effort particulier était mené en faveur des enfants scolarisés (jusqu'à six ans) pour lutter contre le décrochage scolaire et renforcer l'égalité des chances entre tous.
La baronne Sayeeda Warsi, membre de la Chambre des Lords du Royaume-Uni, a abondé dans ce sens. « Quand on parle de développement économique, il faut l'évaluer à l'aune du contexte dans lequel il se déroule, avec ses impératifs sociaux : réduire les inégalités, prendre en charge les enfants et les scolariser, créer un environnement favorable au travail des femmes », a-t-elle soutenu.
« La pandémie de Covid-19 a accéléré une prise de conscience partout dans le monde sur le rôle de l'État. Ce que le Maroc fait en matière de politique sociale est pionnier dans la région », a reconnu la baronne Warsi.
Pour M. Adeel Malik, professeur d'économie du développement à l'université d'Oxford, « la crise sanitaire a exposé la réalité de l'assistance sociale, a accéléré certaines transformations. Mais avant la pandémie de Covid, le Maroc considérait déjà sa politique sociale comme cruciale. La transformation de son régime de protection, plus ciblé et harmonisé qu'ailleurs sur le continent, a eu un impact significatif. Le pays a un esprit de solidarité très ancré dans son système de distribution et sa culture. »
Cependant, M. Malik a averti que le secteur informel représentait encore 30% du PIB et 60% des emplois au Maroc - comme dans la plupart des pays émergents - et que beaucoup d'entre eux ne bénéficiaient pas du filet de sécurité sociale. « Il y a de nombreuses personnes qui sont à la limite de la pauvreté (...) Il faut donc ajuster le seuil social pour couvrir tous ceux qui en ont besoin », a-t-il appelé.
Fondateur du Rapport sur la multipolarité, M. Alexandre Kateb a tenu, pour sa part, à souligner la transition remarquable engagée au Maroc depuis vingt ans. « Grâce au soutien politique, le Royaume a accompli en une génération ce que d'autres pays auraient accompli en 50 ou 100 ans, et cela montre qu'il n'y a pas de contradiction entre un État-providence qui intervient et qui soutient aussi la croissance économique », a relevé M. Kateb.
« Les transferts sociaux, par exemple les allocations familiales à hauteur de trois milliards de dollars dans quelques années, sont justifiés s'ils contribuent à la justice sociale. De plus, ils ont un effet immédiat sur l'économie nationale. », a-t-il ajouté.
« L'expérience marocaine en matière de politique sociale peut créer un précédent et servir de modèle en Afrique », a avancé M. Kateb en conclusion de son propos.