La table ronde du Programme guinéen de référence intérimaire (PRI) 2022-2025, organisée à Dubaï les 15 et 16 février derniers, souligne la force d’un partenariat économique ancien entre Abou Dhabi et Conakry qui connaît aujourd’hui une seconde jeunesse et concerne un nombre croissant de domaines.
Mines et infrastructures : le noyau dur des relations entre Abou Dhabi et Conakry
L’année 2011 relance le partenariat entre Abou Dhabi et Conakry par la signature d’un accord de coopération économique, commercial et technique. Il prévoit un accroissement massif des échanges commerciaux et des investissements. L’accord se double de la suppression de la double imposition des revenus. En 2013, dans cette lancée, le fonds souverain d’Abou Dhabi Mubadala et la compagnie Dubai Aluminium (Dubal) signent un contrat de 5 milliards de dollars en vue de l’approvisionnement en bauxite de l’industrie de l’aluminium émiratie.
En vertu de ce contrat, Guinea Alumina Corp (GAC), une co-entreprise détenue par Mubadala et Dubal, exploite la mine de bauxite de Sangaredi, au nord-ouest du pays. La bauxite est au cœur des échanges commerciaux entre Conakry et Abou Dhabi, la Guinée détenant près de la moitié des réserves mondiales de ce minerai essentiel pour les industries automobile ou alimentaire. Afin de favoriser l’exportation de bauxite vers les Emirats, Abu Dhabi Ports (ADP) assure depuis 2016 la gestion du port de Kamsar avec un investissement initial de 4 milliards de dollars.
Un nouveau projet émirati d’investissement est en cours. L’entreprise Marine Contracting & Infrastructure (MCI), filiale guinéenne du constructeur émirati Ghantoot Group, veut construire un corridor dans le sud du pays. A la clé : plus de deux milliards de dollars (soit 1,76 milliards d’euros) en vue de la réalisation d’un port, d’un chemin de fer et d’une route pour faciliter l’exploitation minière et désenclaver le sud et le centre du pays et désengorger le port de Conakry grâce à l’extension de celui de Konta.
Pour la Guinée, l’enjeu est désormais d’inciter les compagnies minières étrangères à construire des raffineries de bauxite sur place afin de favoriser l’industrialisation du pays et un partage équitable des revenus extractifs. Les Emirats peuvent apparaître comme un partenaire adapté pour atteindre cet objectif en raison de leur impact financier et de leur expertise dans le domaine.
La table ronde économique de février 2024 : une réussite guinéo-émiratie
Les 15 et 16 février dernier, la Guinée a organisé une table ronde à Dubaï à l’occasion de laquelle 7 milliards de promesses de dons ont été récoltés pour 55 projets d’infrastructures, essentiellement à travers des partenariats public-privé. Ces projets concernent des domaines aussi divers que l'eau, l'électricité, la santé et les routes.
La ministre du Plan et de la Coopération internationale, Rose Pola Pricemou, s’est félicitée de la réussite de la table ronde et de « l’enveloppe conséquente qui témoigne de la confiance des partenaires et de leur volonté à accompagner le pays dans la mise en œuvre des projets et programmes d’investissements susceptibles d’améliorer les conditions de vie de la population guinéenne. » L’objectif affiché de 4 milliards de dollars a été largement dépassé grâce à des accords avec la Banque africaine de développement (BAD), la Banque mondiale et la Banque islamique de développement (BID).
Cet événement s’inscrit dans le cadre du Programme de référence intérimaire (PRI) 2022-2025 qui vise à mobiliser les bailleurs et partenaires de la Guinée pour un total de 12 milliards de dollars en vue de l’amélioration de la situation macroéconomique du pays.
Un soft power émirati croissant en Guinée
Au-delà du partenariat économique, les relations entre Abou Dhabi et Conakry commencent à couvrir d’autres champs. Lors de la crise du Covid-19, les Emirats mettent sur pied l’hôpital de campagne Mohammed ben Zayed qui comprend 208 lits, une pharmacie et un laboratoire. Il est inauguré le 25 novembre 2020 par le ministre guinéen de la Santé, le docteur Colonel Remy Lamah en présence de représentants des Emirats arabes unis et de la Guinea Alumina Corporation (GAC).
Plus récemment, l’équipe nationale de football de Guinée a choisi Abou Dhabi pour son stage de préparation physique en vue de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), qui s’est tenue du 13 janvier au 11 février derniers. La qualité des infrastructures a été déterminante dans ce choix. Les Emirats arabes unis jouent aujourd’hui le rôle de vitrine pour nombre de pays africains, et la Guinée s’inscrit dans cette dynamique continentale.
La diversification des partenaires diplomatiques est une stratégie de long terme portée par Conakry. De leur côté, les Emirats arabes unis sont capables d’offrir des accords mutuellement avantageux et un partenariat moins déséquilibré qu’avec d’autres puissances. Le rapprochement diplomatique en cours se fait donc au nom d’intérêts bien compris.