Blocus du pétrole nigérien - La girouette Agbénonci

14 Mai 2024
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InfoWire

La décision du président Patrice Talon du 8 mai de bloquer le pétrole du voisin nigérien, en raison de la mauvaise foi des autorités de Niamey, suscite des réactions dans le pays, dont la pertinence est variable. L’une d’entre elles étonne : celle d’Aurélien Agbénonci, ancien ministre des Affaires étrangères, qui la critique vertement. L’homme semble avoir la mémoire courte, il était aux affaires un partisan de la ligne dure, ce qu’il semble avoir renié aujourd’hui pour des motifs peu transparents.

L’oléoduc géant de 2000 kilomètres qui part d’Agadem au Niger jusqu’à ce port béninois doit permettre à Niamey d’écouler pour la première fois son pétrole brut sur le marché international. L’objectif à terme est d’acheminer 90 000 barils par jour, ce qui pourrait représenter jusqu’à 12,36 milliards d’euros pour Niamey selon les estimations de la Banque mondiale. L’interconnexion des deux économies explique une attitude prudente et mesurée de la part de la diplomatie béninoise. Dès la fin de l’année 2023, le Bénin avait annoncé la levée de la suspension des importations de marchandises transitant vers le Niger par le port autonome de Cotonou. Mais l’obstination de Niamey de garder sa frontière fermée en dépit des gestes de bonne volonté de la part du Bénin a mis le président Talon devant le fait accompli.

Aurélien Agbénonci, qui a occupé le poste de ministre des Affaires étrangères du Bénin durant 7 ans, jusqu’en juin dernier, a réagi au micro de Rfi au sujet de la déclaration de Patrice Talon, où le chef de l’Etat béninois a confirmé la décision d’interdire l'embarquement du pétrole nigérien via la plateforme de Sèmè-Podji. Une décision prise à regret car elle va éloigner momentanément « deux pays frères », selon les mots du président béninois.

Aurélien Agbénonci s’est dit « un peu surpris d'apprendre que le gouvernement du Bénin avait pris une telle mesure », estimant qu’il pensait « qu’on était « dans une démarche d’apaisement et de retour à la sérénité. » Cette déclaration ne manquera pas de surprendre les observateurs avisés de la vie politique béninoise.

L’homme qui cherche à apparaître aujourd’hui sous les traits d’une colombe était, lorsqu’il était aux affaires, un faucon partisan de la ligne dure. Il a non seulement fait sienne une politique de fermeté vis-à-vis de la vague de putschs qui a enseveli la région, mais a été, en raison de sa fonction, aux avant-postes de cette position diplomatique. Il s’est montré favorable aux sanctions appliquées par la Cedeao au Mali et à la Guinée-Conakry. Il plaidait également en faveur de la fermeté à l’égard du régime putschiste du Burkina Faso, estimant à l’époque que ces coups d’Etat mettaient en péril « les efforts de construction nationale engagés depuis de nombreuses années par nos pays et remettent en cause les principes fondamentaux de la gouvernance démocratique. »

Le soudain revirement de l’ancien chef de la diplomatie béninoise laisse donc bouche bée. Certes les changements de pied en politique sont monnaie courante, mais celui-là laisse songeur. A-t-il changé d’avis ? Il semble répondre à Christophe Boisbouvier, qui mène l’interview, comme s’il bénéficiait de l’innocence d’un nouveau-né et qu’il n’avait pas une longue carrière politique derrière lui. Était-il sincère dans ses prises de position de ministre des Affaires étrangères ? Si tel est le cas, il doit expliquer les raisons de son changement soudain, et sinon, cela porte une ombre au tableau de son intégrité morale.

Quoi qu’il en soit, la dissonance cognitive entre les prises de position passées et présentes d’Aurélien Agbénonci sent l’opportunisme politique d’un Machiavel aux petits pieds. Travaillant désormais pour le Forum de Crans-Montana, la tentation de revenir au pouvoir pourrait le rendre prêt à tous les reniements. L’avenir nous dira ce qu’il en est, mais cet épisode laissera une impression indélébile d’incohérence.

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