Un projet dans l'histoire - En 1967 la Banque africaine de développement faisait le pari de changer l'avenir du continent...

23 Mai 2024
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African Development Bank (Abidjan)
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Lorsque la Banque africaine de développement voit le jour en 1964, ses pères fondateurs affichent leur volonté de transformer la vie des populations du continent en exploitant ses richesses naturelles et en libérant son immense potentiel. Un pari audacieux jugé « suicidaire » par les pourfendeurs du projet. Enjeu immense autour d'un projet jalonné de nombreux obstacles et d'incertitudes mais qui n'ont pu empêcher les pays africains de mettre en place « leur » banque de développement. Que de chemin parcouru, souvent long et difficile. Six décennies plus tard, ce qui apparaissait comme une utopie a aujourd'hui fière allure. La Banque présente un palmarès impressionnant : un capital passé de 250 millions de dollars à 208 milliards de dollars, une institution devenue la première banque de financement du développement en Afrique, la banque de développement la plus transparente au monde, la meilleure institution financière multilatérale du monde en 2021, etc.

1964-2024 : coup d'oeil sur un premier jalon majeur

Une route qui traverse la nature et désenclave des zones entières

Le tout premier projet financé par la Banque, qui porte les espoirs d'un continent, où tout ou presque est alors à construire, est le Projet des deux routes internationales au Kenya. Il consiste à rebâtir et améliorer deux liaisons routières faisant partie de la Grande route du Nord (« Great North Road ») : la route Athi River-Namanga (à quelque 25 kilomètres au sud-ouest de Nairobi) longue de 135 kilomètres, qui relie Athi River à la ville de Namanga à la frontière tanzanienne ; et la route Eldoret Tororo Malaga, qui s'étend vers Lesuru, à environ 14 kilomètres au nord-ouest d'Eldoret. Longue de 117 kilomètres, elle relie la rivière Malaga à la frontière ougandaise.

La première partie du projet est financée par la Banque à hauteur de 2,3 millions de dollars et réalisée entre 1967 et 1971. D'un coût total de 8,2 millions de dollars, le projet est mis en oeuvre en partenariat avec l'USAID, l'agence américaine de développement.

L'avenir sourit aux audacieux

En 1966, le gouvernement du Kenya adresse une demande de financement à la Banque. Selon le rapport d'achèvement du projet, « la principale justification du projet (par le gouvernement) est basée sur le fait que les routes ont une importance nationale et internationale... Les deux routes sont des tronçons de la Grande route du Nord, qui relie Dar es-Salam, la capitale tanzanienne, Nairobi au Kenya et Kampala en Ouganda ».

Á y regarder de plus près, ce premier projet démontre, dès le départ, que la Banque se soucie déjà du caractère multinational des projets d'infrastructure et de leurs capacités à connecter les nouveaux États indépendants.

La mission d'évaluation détermine alors que le projet des deux routes a une importance majeure sur les relations économiques internationales et les transports en Afrique de l'Est. Il est entendu que le projet aidera les trois pays à exploiter leurs immenses potentialités économiques. Le volet intégration régionale est également bien présent dans ces projets d'infrastructure, après les âpres débats sur l'architecture du continent entre le « Groupe de Monrovia » et le « Groupe de Casablanca ».

En 1984, le Kenya comptait 150 000 kilomètres de routes bitumées, dont certaines identifiées aux produits transportés : route du thé, du sucre, du blé, connectées aux zones de production agricole. S'y ajoutent aussi celles à vocation touristique. Toutefois, le nord du pays, moins peuplé, est faiblement desservi en voies de communication.

De son côté, la Banque justifie son appui à la demande kenyane par le « caractère international du projet », la « promotion du tourisme » et « l'exploitation des ressources agricoles le long des routes du projet ». Elle estime ainsi le taux de rentabilité économique du projet à 21 %. En outre, le projet des « deux routes » prévoit à l'époque une croissance de 25 % du trafic moyen journalier dès l'année suivant la fin des travaux.

Témoignage du bien-fondé du projet : le rapport d'achèvement du projet souligne qu'une année après la fin des travaux, les taux réels ont grimpé à 55 %, bien supérieurs aux estimations. Les activités générales et le commerce ont connu une hausse entre le Kenya et l'Ouganda, et entre le Kenya et le Rwanda/Burundi. Outre le Rwanda et le Burundi, certaines régions du Zaïre (aujourd'hui RD Congo) tirent des avantages de la liaison routière Eldoret-Tororo, selon ce rapport d'achèvement du projet publié en 1984.

Il précise notamment que les routes ont globalement atteint leurs objectifs respectifs malgré les difficultés de mise en oeuvre inhérentes aux problèmes politiques internes aux pays, avec des effets sur les mouvements transfrontaliers.

Pour l'histoire, il faut retenir que les normes techniques de l'époque établies par le ministère kenyan des Travaux publics pour les routes de première classe étaient les suivantes : « chaussée carrossable de 32 pieds (environ 10m) avec une chaussée pavée de 20 pieds (environ 7 m), des accotements de 6 pieds (environ 1,9 m) ».

L'appel d'offres diffusé à travers les consulats et ambassades étrangères basés à Nairobi avait permis de recueillir jusqu'à 52 manifestations d'intérêt, mais seules quatre entreprises soumettront finalement leur offre. L'entreprise italienne Impressa Rizzani remportera l'appel d'offres, mais ne terminera pas les travaux qui seront achevés par l'entreprise britannique Mowlem.

Entre 1967 et 1983, le secteur des transports du Kenya a bénéficié de plusieurs financements du Groupe de la Banque africaine de développement : 68,7 millions d'Unités de compte de la Banque africaine de développement et 6,53 millions UC du Fonds africain de développement - le guichet concessionnel du Groupe de la banque africaine de développement -, pour une dizaine de projets d'infrastructure, ce qui préfigurait déjà une orientation stratégique qui ne sera jamais démentie à l'échelle du continent. L'Unité de compte équivalait à un dollar à l'époque.

Au cours des sept dernières années, le Groupe de la Banque a ainsi investi jusqu'à 44 milliards de dollars dans les infrastructures, placées en tête dans ses investissements sur le continent. Ceux-ci vont de la construction des routes nationales, des corridors, des ports, des chemins de fer jusqu'aux centrales électriques.

Ce projet au Kenya a servi sans conteste de « laboratoire d'incubation » pour les projets d'infrastructure de la Banque africaine de développement. L'horizon incertain du départ a laissé place à la concrétisation du discours engagé des pères fondateurs qui ont vaincu l'« afropessimisme » de l'époque qui s'est mué en un récit « afro-optimiste », dont la magie opérante ne cesse de transformer, chaque jour un peu plus, le continent africain.

Les agences de notation internationales, évaluant les résultats en progression constante de la Banque, lui attribuent régulièrement la note « AAA », faisant d'elle la seule organisation du continent à obtenir cette notation d'excellence. Pari tenu !

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