La transition juste était au centre des discussions lors du Sommet Finance en Commun 2025 (FiCS) qui vient de s'achever en Afrique du Sud. Au coeur du concept, il s'agit de garantir que la transition de l'Afrique vers une économie plus verte soit non seulement respectueuse de l'environnement, mais qu'elle soit également inclusive sur le plan social et économique, accélérant les solutions de financement durable en Afrique
Des dirigeants du monde entier, des décideurs politiques et des institutions de financement du développement se sont réunis au Cap, avec pour toile de fond l'emblématique « Table Mountain » (Montagne de la Table), pour cette cinquième édition du FiCS coorganisé par la Banque de développement de l'Afrique australe (DBSA) et la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (AIIB), avec le soutien de l'Agence française de développement (AFD) et de la Banque africaine de développement.
S'exprimant sur la transition juste lors d'une session qui s'est tenue le 26 février, Leila Mokaddem, directrice générale du Groupe de la Banque africaine de développement pour l'Afrique australe, a souligné que la voie de l'Afrique vers la durabilité devait être juste, inclusive et pragmatique. « Avec 600 millions de personnes en Afrique qui n'ont toujours pas accès à l'électricité, notre transition ne peut pas se limiter aux objectifs climatiques. Elle doit prendre en compte également l'emploi, l'industrialisation et les opportunités économiques. Si nous ne parvenons pas à faire les bons choix, la transition pourrait creuser les inégalités au lieu de les réduire », a souligné Mme Mokaddem.
Afin de garantir que la transition profite à tous, la Banque africaine de développement soutient des cadres politiques et des stratégies de financement qui permettent un développement équitable. Les investissements dans l'emploi des jeunes et le développement des compétences sont au coeur de la stratégie, qui vise à préparer la main-d'oeuvre africaine à l'économie verte, tout en mobilisant les investissements publics et privés pour créer de nouvelles opportunités économiques. La Banque renforce également les protections sociales afin de donner la priorité aux plus vulnérables, notamment les femmes, les travailleurs informels et les communautés marginalisées.
Dans le cadre de sa stratégie « Jobs for Youth in Africa » (Des emplois pour les jeunes en Afrique), la Banque africaine de développement s'est fixé l'objectif de créer 25 millions d'emplois et de doter 50 millions de jeunes Africains des compétences nécessaires à l'économie verte d'ici à 2025. En partenariat avec l'Organisation internationale du Travail (OIT), un système de marqueur d'emploi « Just Transition » (transition juste) est en cours d'élaboration pour garantir que les investissements climatiques se traduisent directement par des opportunités d'emploi.
Mme Mokaddem a souligné que l'économie sud-africaine, dépendante du charbon, était un cas d'école illustrant l'importance d'une planification minutieuse. « Si nous ne gérons pas correctement cette transition, nous risquons l'instabilité économique, des pertes d'emplois et une aggravation de la pauvreté. Nous devons veiller à ce que les travailleurs et les communautés dépendant des combustibles fossiles ne soient pas laissés pour compte », a-t-elle prévenu.
En Afrique du Sud, où le charbon reste une source d'énergie essentielle, la Banque a engagé 2,5 milliards d'unités de compte pour soutenir une transition juste, en investissant dans les énergies renouvelables, la reconversion des travailleurs et les réformes de la gouvernance énergétique afin de minimiser les perturbations économiques.
Nnenna Nwabufo, vice-présidente du Groupe de la Banque africaine de développement chargée du Développement régional, de l'Intégration et de la Prestation de services, a insisté sur l'urgence d'augmenter le financement climatique pour soutenir l'avenir durable de l'Afrique. « L'Afrique se trouve à un tournant. Nous sommes confrontés à une crise climatique qui affecte non seulement nos économies, mais aussi la vie de millions de personnes. Imaginez un agriculteur du Sahel qui voit ses récoltes dépérir sous une sécheresse implacable ou une mère au Mozambique qui reconstruit sa maison pour la troisième fois après de graves inondations. Ce ne sont pas des statistiques abstraites, ce sont des réalités vécues. »
Mme Nwabufo a souligné l'énorme défi financier auquel l'Afrique est confrontée, le continent ayant besoin de 2 700 milliards de dollars d'ici à 2030 pour atteindre ses objectifs climatiques, alors que 23 % seulement de cette somme sont actuellement disponibles. Pour combler ce déficit, la Banque africaine de développement promeut des initiatives audacieuses telles que le Guichet d'action climatique, qui vise à collecter 14 milliards de dollars pour faciliter l'accès des pays africains à faible revenu au financement climatique. L'initiative Desert to Power, un projet de 20 milliards de dollars, permettra de produire 10 GW d'énergie solaire dans 11 pays du Sahel, fournissant ainsi de l'électricité propre à 250 millions de personnes, tout en réduisant la dépendance aux combustibles fossiles.
« L'Afrique ne veut pas d'aide, nous voulons des partenariats. Nous avons besoin d'investissements qui permettent à nos pays de prendre en main leur développement, en favorisant la résilience, l'autosuffisance et une croissance durable qui profitent à l'Afrique et à l'économie mondiale », a ajouté Mme Nwabufo.
Selon les deux dirigeantes du Groupe de la Banque, des mesures audacieuses, une coopération à l'échelle mondiale et d'importants investissements sont nécessaires pour réaliser une transition juste.
« L'Afrique a une occasion unique de construire un avenir résilient et durable, mais nous ne pouvons pas y parvenir seuls », a lancé Mme Nwabufo. « Nous avons besoin que les institutions financières, les gouvernements et le secteur privé se mobilisent et investissent dans l'économie verte de l'Afrique. »
Mme Mokaddem a renforcé cet appel : « Il ne s'agit pas seulement de réduire les émissions. Il s'agit d'assurer l'avenir de l'Afrique, de créer des emplois, de stimuler l'industrialisation et de veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte. Il est temps d'agir. »