Le président du Groupe de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, a annoncé son intention de lancer une facilité de 500 millions de dollars destinée à débloquer dix milliards de dollars de financement pour les petits exploitants agricoles et les petites entreprises agro-industrielles en Afrique.
S'exprimant lors de la conférence de haut niveau organisée à Nairobi sur le thème « Accroître le financement des petits exploitants agricoles », M. Adesina a révélé que la direction de la Banque consultait actuellement son Conseil d'administration sur la mise en place de cette facilité innovante.
Cette facilité déploiera de multiples instruments financiers, notamment des garanties de crédit commercial, une couverture de première perte, des mécanismes de financement mixte et des incitations à l'origination afin de réduire les coûts de transaction élevés liés aux services fournis aux entreprises, le tout complété par une assistance technique.
« Nous sommes sur le point d'écrire l'histoire en repoussant les limites de l'innovation et en établissant de vastes alliances de collaboration pour combler le déficit de financement auquel sont confrontés les petits exploitants agricoles et les entreprises agro-industrielles », a déclaré M. Adesina dans son discours liminaire.
Organisée en partenariat avec l'Organisation panafricaine des agriculteurs (PAFO), la conférence visait à combler le déficit critique de financement annuel de 75 milliards de dollars pour les agriculteurs et les entreprises agricoles.
M. Adesina, qui a récemment reçu la plus haute distinction nationale du Kenya des mains du président William Ruto, a appelé à une action mondiale : « Ensemble, libérons le potentiel de l'agriculture en Afrique. Faisons de l'Afrique le grenier du monde. Et ensemble, nourrissons l'Afrique avec fierté ! »
Progrès accomplis depuis le Sommet « Dakar 2 - Nourrir l'Afrique »
M. Adesina a souligné les progrès substantiels accomplis depuis le Sommet « Dakar 2 - Nourrir l'Afrique » en 2023, au cours duquel 34 chefs d'État africains se sont engagés à garantir la sécurité et la souveraineté sur le plan alimentaire.
Les engagements financiers des partenaires du développement sont passés de 30 milliards de dollars à 72 milliards de dollars en moins d'un an, la Banque africaine de développement s'étant engagée à hauteur de dix milliards de dollars. La Banque a approuvé 77 projets d'une valeur de 3,9 milliards de dollars pour soutenir la mise en oeuvre des Pactes nationaux pour l'alimentation et l'agriculture dans 32 pays, avec un montant supplémentaire de 1,72 milliard de dollars prévu cette année.
Initiatives clés en faveur des petits exploitants agricoles
La Banque africaine de développement lancé plusieurs initiatives majeures pour soutenir les petits exploitants agricoles :
- Le programme appelé « Technologies pour la transformation de l'agriculture africaine » (TAAT) a permis à 25 millions d'agriculteurs africains de bénéficier de cultures à haut rendement et résilientes au climat, ce qui a stimulé la production alimentaire du continent de 120 millions de tonnes.
- La Facilité africaine de production alimentaire d'urgence, un programme doté de 1,5 milliard de dollars, a fourni 459 000 tonnes de semences et 2,8 millions de tonnes d'engrais à 12,3 millions d'agriculteurs, qui ont produit 37,6 millions de tonnes de denrées alimentaires.
- L'initiative des Zones spéciales de transformation agro-industrielle (SAPZ) a investi 934,51 millions de dollars, avec 938,27 millions de dollars de cofinancement, pour soutenir 27 projets dans 11 pays.
- Le programme AFAWA (« Affirmative Finance Action for Women in Africa ») a approuvé 2,52 milliards de dollars de financement pour 24 000 entreprises dirigées par des femmes.
- Le Mécanisme africain de financement du développement des engrais (MAFDE) a mis en place des garanties de crédit commercial dans neuf pays, distribuant 125 193 tonnes d'engrais d'une valeur de 62,8 millions de dollars à 776 971 petits exploitants agricoles.
- Le Programme de partage des risques des fournisseurs d'intrants, une initiative de 600 millions de dollars, vise à dérisquer les chaînes d'approvisionnement en intrants en Ouganda, au Kenya, en Tanzanie, au Ghana et en Zambie.
- L'initiative Mobilizing Access to the Digital Economy (MADE) Alliance Africa, en partenariat avec Mastercard, a vu la Banque s'engager à verser 300 millions de dollars pour intégrer dans l'économie numérique trois millions d'agriculteurs du Kenya, de Tanzanie et du Nigéria.
Relever les défis persistants
Actuellement, seuls 6 % des petits exploitants agricoles africains ont accès au crédit et moins de 20 % d'entre eux utilisent des semences améliorées. Les institutions financières considèrent souvent les petits exploitants agricoles comme des emprunteurs à haut risque en raison de la variabilité du climat et de l'absence de garanties. Les prêts bancaires au secteur agricole restent faibles, représentant moins de 5 % du total des portefeuilles de prêts dans de nombreux pays africains, alors que ce secteur est un moteur économique majeur.
« Ces chiffres peuvent sembler familiers à certains d'entre vous ; pour le reste d'entre nous, ils devraient être frustrants à entendre. Nous devons agir maintenant pour changer cette réalité » a appelé Beth Dunford, vice-présidente du Groupe de la Banque africaine de développement chargée de l'Agriculture et du Développement humain et social, lors de la séance d'ouverture lundi.
Le président de la PAFO, Ibrahima Coulibaly, a exhorté les parties prenantes à prendre des mesures audacieuses : « Si nous voulons sauver notre continent de la faim, de la malnutrition et de la pauvreté, nous devons créer des emplois dans le secteur agricole. Aucun autre secteur n'est capable de le faire. »
Le secrétaire d'État kényan au développement de l'Agriculture et de l'Élevage, le sénateur Mutahi Kagwe, a appelé à une mise en oeuvre urgente : « Si nous donnons la priorité à des mesures innovantes et pratiques, nous transformerons l'agriculture en un secteur d'activité florissant. Engageons-nous à faire en sorte qu'aucun agriculteur ne soit laissé pour compte par manque de financement ! »
Mardi, une table ronde réunissant des experts financiers africains et internationaux de premier plan a également lancé un vibrant appel en faveur d'une adaptation des structures financières aux besoins des petits exploitants agricoles africains. Les participants ont souligné le rôle crucial des gouvernements dans la création d'un environnement propice à l'augmentation des prêts aux agriculteurs par les institutions financières.
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