Interview avec Mohamed H'Midouche, représentant résident de la BAD, Sénégal

2 Mars 2010
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African Development Bank (Abidjan)
communiqué de presse

Dans cette interview, M. Mohamed H'Midouche, représentant résident de la BAD au Sénégal, évalue la coopération entre la BAD et les sociétés civiles des pays de sa représentation. «La Banque devrait accorder une place plus importante à la Société civile dans son assistance aux PMR en renforçant son implication », a souligné M. H'Midouche. L'échange avec le RepRes, s'est déroulé en marge du Forum BAD-Sociétés civiles qui s'est tenue à Tunis, le 1er mars 2010.

D'après votre expérience sur le terrain comment pourriez-vous évaluer les relations BAD-Sociétés civiles et quels rôles jouent-elles ?

Dans la sous région ouest africaine, la société civile est très active dans tous les domaines de la vie politique, économique et sociale.

Sur le plan politique, elle a fait avancer la démocratie dans bon nombre de pays africains en participant notamment aux différentes luttes pour l'Etat de droit, l'élaboration des constitutions, l'organisation et la surveillance des élections. Les exemples les plus récents sont les cas du Niger et de la Guinée Conakry où pour ce dernier cas, c'est une représentante de la société civile qui assure la présidence de l'instance de transition.

Sur le plan économique et social, la société civile joue un rôle non négligeable dans les efforts d'accès des plus pauvres aux services sociaux de base et d'amélioration de leurs revenus. Les ONG sont légions dans la création et la gestion d'infrastructures scolaires et sanitaires notamment.

Il est de notoriété publique que les populations ont une nette préférence pour ces structures qui sont gérées par des organisations religieuses caritatives, pas seulement en raison de leur accessibilité financière, mais aussi et surtout en raison de la qualité des services qui y sont dispensés. S'agissant de l'amélioration des conditions économiques, les organisations de la société civile sont les plus sollicitées pour les activités de micro finance et celles génératrices de revenus.

La Société civile est également présente au niveau du secteur rural, grâce à une forte implication des ONG dans les domaines de l'environnement et de la gestion des ressources naturelles (reboisement, CES/DRS, protection de la mangrove, lutte anti-sel, etc.), dans le renforcement des capacités des producteurs (vulgarisation, transformation des produits agricoles, commercialisation, etc.).

Depuis 2008, le Gouvernement du Sénégal s'est lancé dans un processus de syndicalisation des paysans qui touche aujourd'hui les 14 régions du pays, ce qui va contribuer à une meilleure prise en compte des intérêts des acteurs ruraux dans les politiques économiques et les options de développement.

Dans le secteur de l'eau et de l'assainissement, surtout en milieu rural, la société civile joue un rôle appréciable. La présence de la société civile est remarquable à travers la participation des ONG et autres membres aux réflexions sur les problèmes du secteur (participation aux réunions des groupes thématiques, aux ateliers de lancement de projets et aux ateliers de restitution des résultats des études sur le secteur) et à la mise en oeuvre des projets sur le terrain (participation des ONG aux activités de sensibilisation).

La société civile a pleinement participé à l'élaboration du PEPAM mis en oeuvre par le Gouvernement du Sénégal et approuvé par les techniques et financiers et dont le PEPAM /BAD est un sous programme.

Compte tenu de ce qui précède, je pense que la Banque doit encore intensifier et diversifier sa collaboration avec les organisations de la société civile

Pouvez-vous relever avec quelques exemples concrets, votre expérience avec certaines sociétés civiles dans les pays où vous représentez la BAD ?

Au Sénégal, dans le cadre du projet d'appui à la modernisation du cadastre, la société civile notamment l'association des femmes juristes a été mise à profit pour faire trois campagnes de communication sur les droits de la femme en matière d'accès à la propriété.

L'élaboration du rapport d'achèvement du DSPAR s'est faite également selon une approche participative qui a pris en compte les avis de la société civile notamment les syndicats des travailleurs, la plateforme des acteurs non étatiques (qui regroupent toutes les composantes de la société civile) ainsi le bureau du Conseil économique et social. La société civile a ainsi donné son avis sur la manière dont la stratégie d'assistance de la Banque a été mise en oeuvre au Sénégal sur la période 2002-2009 ainsi que sur les résultats obtenus.

Les ONG seront également mises à profit lors la préparation de la nouvelle stratégie d'assistance pour 2010-2014, prévue au cours de la deuxième quinzaine de Mars 2010. L'élaboration du DSP en cours se fait avec la pleine participation de la société civile. Plus spécifiquement, dans le cadre de l'exécution du Projet Santé II, l'approche communautaire a été confiée à la société civile à travers trois ONG : ACDEV, APROFES, et WHEPSA.

Cette mission leur a été confiée en raison de leurs expériences dans le travail avec les populations résidant dans les zones rurales les plus reculées. Dans une centaine de villages de la zone d'intervention du projet, il s'agit essentiellement de promouvoir l'auto-organisation de la population, de réaliser des formations et sensibilisations sur des thèmes prioritaire de santé (Santé de la Reproduction, mortalité maternelle, néonatale et infantile, Paludisme, IST/VIH SIDA, Prise en Charge Intégrée des Maladies de l'Enfant, Hygiène et Assainissement, maintenance, offre de service à base communautaire, mobilisation sociale).

Grâce à l'action de ces trois ONG, le projet a pu réaliser :

L'organisation des populations rurales des zones reculées du projet par la création de comités d'initiatives et d'appui aux activités communautaires,

La formation de groupements d'intérêt économique,

Le renforcement des capacités des relais communautaires, matrones, comités de santé, et Groupement d'Intérêt Economique (GIE),

L'appui à la mise en place de mutuelles de santé,

L'organisation et la contractualisation de réseaux communicateurs traditionnels au niveau local.

L'action des ONG a concerné environ 2500 personnes au niveau local, dont 50% de femmes (élus, religieux, personnels de santé, techniciens de développement), 750 matrones, 300 relais communautaires, 150 comités villageois, 30 communicateurs traditionnels, 85 journalistes). Les activités de sensibilisation ont concerné 7500 personnes (80% de femmes) sur la maternité à moindre risque, 15.000 personnes sur le VIH/SIDA (50% de femmes).

L'intervention des ONG a contribué à l'amélioration de la fréquentation des structures sanitaires par les populations, à renforcer les consultations prénatales et les accouchements assistés pour les femmes, en particulier grâce à la création de structures de solidarité (comités de mamans, caisses d'évacuation sanitaire, mutuelles de santé). Les communautés ont une plus grande conscience de la nécessité d'avoir de bonnes pratiques en matière de santé. Leurs capacités à lutter contre la pauvreté ont été renforcées par leur meilleure organisation et leurs aptitudes à concevoir et exécuter des projets générateurs de revenus.

Pour les projets de développement rural financés par la Banque (PADERCA - Projet d'appui au développement rural en Casamance, PAPIL - Projet d'appui à la petite irrigation locale), les ONG sont associées à la mise en oeuvre des actions d'accompagnement et de structuration des producteurs (structuration des organisations paysannes à travers la démarche participative).

Par leur implantation locale et régionale, et grâce à un dispositif de proximité, elles jouent un rôle essentiel dans la compréhension des réalités locales et la formulation des décisions par les acteurs concernés. En Casamance, elles jouent aussi un rôle important dans la préservation du milieu naturel et leur contribution est essentielle pour la mobilisation sociale et la sensibilisation des populations.

Dans le cadre du premier sous programme PEPAM/BAD, lancé depuis 2005, les ONG sont fortement impliquées dans les actions de sensibilisation, des volets IEC eau potable et assainissement, du fait de leur proximité avec les communautés et de leur connaissance du terroir. Comme exemples, on peut citer l'ONG ADEREL à Louga, l'ONG FODE à Kolda et l'ONG PACTE à Ziguinchor.

Quels résultats concrets attendez-vous aux termes des travaux de Tunis ?

Les exemples que je viens de mentionner sur le cadastre, la stratégie d'assistance pays, le secteur santé, du développement rural ou le secteur de l'eau montrent que la société civile est un important acteur du développement.

En conséquence, la Banque devrait lui accorder une place plus importante dans son assistance aux PMR en renforçant son implication. Il est souhaitable que des organisations de la société civile puissent assumer le rôle d'agence d'exécution de certaines opérations financées par la Banque.

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Communiqué conjoint Banque africaine de développement et organisations de la société civile

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Aristide Ahouassou

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