Le président de Microsoft Afrique, Modibo Diarra, a expliqué en marge des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) qui se tiennent à Abidjan, Côte d'Ivoire les 27 et 28 mai, les relations stratégiques que son institution et le Groupe de la Banque entretiennent pour bâtir une Afrique nouvelle.
Selon, lui «le Groupe de la BAD et Microsoft ont mis en place un partenariat stratégique visant à réaliser de grands objectifs pour l'Afrique ». M. Diarra préconise dans ce contexte une utilisation massive des technologies de l'information dans la mise en oeuvre des projets pour plus d'efficacité dans le développement».
Pouvez-vous nous faire le point sur le partenariat entre Microsoft et la Banque africaine de développement?
A cet égard, il faudrait avant tout retenir qu'à chaque moment de l'histoire, il existe une fenêtre d'opportunités qui s'ouvre. Il se trouve qu'un ami, le président Kaberuka dont je connais très bien l'ambition pour le continent africain, est à la tête de la BAD.
A ce titre, il m'est loisible de penser que les collaborateurs de M. Kaberuka et les miens peuvent profiter de cette fenêtre d'opportunités, avant qu'elle ne se ferme, pour le plus grand bonheur du continent africain. Car, c'est une question de temps. Lui et moi avons nos mandats limités dans le temps et si nous devrons évaluer le coût de ce que cela nous coûterait de ne pas traduire ces opportunités en actions concrètes... Ce serait énorme. Donc, le Groupe de la BAD et Microsoft ont mis en place un partenariat qui nous aidera à réaliser de grands objectifs pour l'Afrique. C'est l'étape la plus difficile.
Lorsque nos mandats s'achèveront, il faudra que chacun d'entre nous se demande : «Qu'est-ce que j'ai pu faire pour l'Afrique?»
Aujourd'hui, je pense qu'il s'agira pour nos différents collaborateurs auxquels nous avons confié des agendas précis de nous aider à peaufiner nos projets afin que nous puissions aller de l'avant.
Que peuvent faire le Groupe de la BAD et Microsoft dans ce partenariat pour bâtir la nouvelle Afrique?
La première chose que le Groupe de la Banque et Microsoft peuvent faire, c'est de voir dans quelle mesure nous pouvons répliquer à travers l'Afrique, ce que nous avons pu faire au Cap-Vert. En effet, grâce à l'informatisation des systèmes, les élections présidentielles s'y sont déroulées dans les meilleures conditions. Personne n'a pu parler de fraudes à ces scrutins, grâce à la technologie informatique.
Par ailleurs, ce pays est passé d'un statut de pays pauvre à un pays à revenu intermédiaire, en partie du fait qu'aujourd'hui le pays a mis en place un système informatique de pointe lui permettant de bien canaliser l'argent qui rentre dans les caisses de l'Etat. Ce système a permis de lutter contre la corruption. Le gouvernement n'a plus besoin de bureaux immenses où les gens font la queue pour obtenir des services de l'Etat. Tout est informatisé, avec les meilleures pratiques et les meilleures technologies.
Par exemple, aujourd'hui, lorsqu'un Capverdien achète une voiture en France pour exportation vers son pays, dès que l'acquéreur se rend aux services des douanes en France, on lui fournit des informations, sur la détaxe ainsi que la valeur du véhicule, qui sont automatiquement reparties sur les réseaux informatiques au Cap-Vert.
Avant l'arrivée de la voiture, les frais de douanes sont connus etc. Donc, l'acquéreur ne peut pas frauder. Dans ce pays, aujourd'hui, tout Capverdien peut rentrer dans la banque de données de l'Etat, avec un mot de passe qui lui est attribué, pour effectuer des demandes d'extraits de naissance ou de permis de conduire en ligne, pour un ou deux dollars. Tout est informatisé dans ce pays, avec les meilleures pratiques.
Comment concrètement la Banque et Microsoft peuvent-ils vulgariser ce genre de projet dans tout le continent?
Il faudra d'abord que la Banque fasse comprendre aux Etats africains, ce que le projet technologique a aidé le Cap-Vert à gagner. L'utilisation de la technologie de l'information dans le cycle des projets, contribuera à plus d'efficacité dans le développement.
La Banque peut, entre autres, dire aux Etats africains : «La Banque africaine de développement peut vous aider financièrement, mais acceptez que nous mettions en oeuvre un programme informatique comme ce qui a été fait au Cap-Vert... Si vous souhaitez faire répliquer cette expérience du Cap-Vert, dites-le nous et nous travaillerons avec nos partenaires comme Microsoft, qui peuvent le faire tout de suite». Donc, en un rien de temps, nous verrons le nouveau visage de l'Afrique, avec des structures de gestion de démocratie et de gouvernance renforcées.
Pour beaucoup de jeunes africains, vous êtes un exemple à suivre, pour avoir été le premier africain à aller à la NASA. Quel bilan faites-vous de vos actions en faveur de ces jeunes depuis que vous êtes à la tête de Microsoft Afrique?
Je voudrais d'abord souligner le fait que je ne suis pas nécessairement plus intelligent et mieux organisé que vous. Partout où je vais en Afrique, depuis 1997, je rencontre des milliers d'exemples de jeunes africains, qui ont voulu me prendre en exemple et qui ont voulu faire la même chose que moi.
Beaucoup parmi eux ont montré leurs talents ; je discute avec eux de la manière la plus simple.
Donc, après treize ans, ce n'est plus un phénomène extraordinaire d'avoir été à la NASA. Il y a au moins cinq jeunes africains qui travaillent aujourd'hui à la NASA. Je suis très fier que nous ayons pu vulgariser ce phénomène. Cependant, je suis bien souvent scandalisé de voir des personnes parfois végéter dans l'afro pessimisme et qui disent : «L'Afrique n'est rien... Elle ne fait jamais rien etc.» Ce n'est pas vrai...
Dites à ces jeunes que ce n'est pas vrai ! L'Afrique dispose de capacités énormes pour contribuer à toutes les grandes oeuvres de l'humanité. Vous-mêmes qui êtes devant moi, si vous décidez d'aller à la NASA, vous le ferai aisément. Il suffit de croire en vous-même. C'est une question de volonté et de discipline.
Ca, c'est la première phase de notre action qui concerne les jeunes. Une fois que ce message se propage, ça nous permet de préparer une vague de jeunes, bien formés dans les outils et sans complexe. Après nous tournerons notre attention vers la mise en place d'une nouvelle coalition de personnes qui ont les mêmes pensées et les mêmes attitudes militantes concernant le développement, et qui peuvent aligner leur agenda sur celui de l'Afrique et y oeuvrer. C'est également le combat que nous comptons mener en partenariat avec le Groupe de la BAD.