Les transferts de fonds des migrants, c'est-à-dire l'argent que les émigrés envoient dans leur pays d'origine depuis leurs pays d'accueil, représentent des ressources de plus en plus significatives pour l'Afrique de l'Ouest.
En 2014, le montant de ces transferts s'est élevé à 26 milliards de dollars EU (dont la majeure partie – 20,9 milliards de dollars – a profité au Nigeria), contribuant à 3,2 % du PIB régional. Le volume de ces transferts, qui fait de l'Afrique de l'Ouest la deuxième sous-région récipiendaire du continent, reflète la taille de la diaspora ouest-africaine, estimée à 9,1 millions de personnes en 2011 – soit 2,6 % de la population de la région.
Comme l'a récemment mis en lumière le 7e numéro de l'Observatoire de l'Afrique de l'Ouest, ces flux financiers sont une opportunité pour le développement régional. Depuis 2006, leur volume annuel est supérieur à celui de l'aide publique au développement (APD) que reçoivent les quinze pays ouest-africains. Certes, la destination et la vocation des fonds qu'envoient les migrants, qui viennent essentiellement soutenir les dépenses de consommation de leur famille, les distinguent de ceux qui relèvent de l'APD. Contrairement à ceux-ci, les transferts de la diaspora ne s'inscrivent généralement pas dans une logique de projet. Mais l'analyse des évolutions récentes révèle que leur impact ne se limite pas non plus à l'amélioration des conditions de vie des familles bénéficiaires. Forts des compétences qu'ils ont acquises à l'étranger, les migrants trouvent, en effet, de nouvelles formes d'engagement dans leur pays d'origine.
Plusieurs évolutions témoignent de l'implication croissante des diasporas dans le développement de l'Afrique de l'Ouest. Du point de vue financier tout d'abord, les fonds qu'ils envoient dans leur pays d'origine ne cessent d'augmenter. Ils s'intensifient lorsque les familles sont en situation d'urgence, comme en Sierra Leone, où les transferts des migrants ont crû de plus de 50 % entre 2013 et 2014 – année où l'épidémie de fièvre Ebola a éclaté. Compte tenu de l'usage qui est fait de ces ressources – souvent consacrées à la construction de maisons par exemple –, l'argent réceptionné se diffuse au-delà du noyau familial du migrant, produisant des effets d'entraînement sur le commerce et l'industrie environnants .
Du fait de leurs effets contra-cycliques et de leurs retombées sur l'économie locale, ces flux consolident et stimulent le développement au niveau micro-économique, à l'échelle des familles et des villages. Mais les migrants s'impliquent à d'autres niveaux. Leur engagement s'oriente également vers l'investissement international, dans le cadre, par exemple, les émissions obligataires de la diaspora. Ces obligations souveraines, destinées aux membres de la diaspora qui souhaitent contribuer au développement de leur pays d'origine, sont mis en place par les Etats pour financer des grands projets. En 2008, le Ghana a par exemple lancé une opération intitulée « Golden Jubilee Savings Bond » en vue de financer des travaux d'infrastructures dans chaque région du pays. Destinée aux Ghanéens, y compris ceux de la diaspora, l'opération a permis à l'Etat de lever près de 50 millions de dollars EU.
Parallèlement, des transferts sociaux, moins tangibles que les flux financiers, contribuent au développement régional. Un nombre croissant de projets de coopération Nord-Sud sont mis en œuvre par des migrants hautement qualifiés et occasionnent des transferts de compétences. Au Nigéria par exemple, l'association Nigeria Diaspora Diagnostic and Trauma Foundation organise chaque année une conférence sur les défis de la santé, animée par des professionnels nigérians exerçant aux Etats-Unis. Il existe une pléthore d'initiatives comparables dans la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest. Par ailleurs, les membres de la diaspora exercent une influence de plus en plus grande dans la vie politique de leur pays d'origine, comme l'illustre au plus haut niveau le franco-béninois Lionel Zinsou, devenu en juin 2015 premier ministre du Bénin.
Les pays d'Afrique de l'Ouest prennent conscience du rôle déterminant que peuvent tenir leurs nationaux résidant à l'étranger. La plupart tentent de rendre plus attractifs les retours au pays, par l'octroi des doubles nationalités, la reconnaissance politique et la mise en place d'outils sociaux et économiques (tels que les obligations diaspora). Plusieurs obstacles continuent toutefois à d'entraver la pleine valorisation des apports de la diaspora, comme le coût élevé des transferts financiers depuis l'étranger, la part importante des envois informels et la fragmentation des flux. Ces obstacles se traduisent par des fuites financières et une dispersion des fonds, qui n'aident pas à canaliser les flux d'argent transféré vers l'investissement et les projets.
Pour remédier à cette situation, il existe une panoplie d'outils réglementaires et financiers utilisés ailleurs dans le monde et en Afrique : obligations de la diaspora, bibancarisation et services financiers mobiles pourraient faciliter l'afflux des transferts des migrants et optimiser leur contribution au développement national et régional. Les États d'Afrique de l'Ouest doivent de leur côté inciter les migrants à investir davantage dans des projets sociaux ou économiques. Si la diaspora est, par définition, une population extérieure, elle doit être perçue comme une richesse intérieure.