Comment valoriser le capital humain en Afrique ?

6 Septembre 2022
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InfoWire

Les investissements dans le capital humain, via l'éducation et les soins de santé notamment, sont de plus en plus considérés comme des facteurs indispensables pour la croissance et la prospérité des pays. Ils dévoilent un rapport coût-efficacité élevé et permettent de mieux s'adapter aux changements rapides, tels que la transformation technologique à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui.

Pour l'homo œconomicus, étudier et développer une compétence technique recherchée sont des moyens essentiels et difficilement dispensables pour s'assurer une stabilité économique, voire une certaine prospérité. En somme, développer son capital humain, lequel est défini par l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) comme « l'ensemble des connaissances, qualifications, compétences et caractéristiques individuelles qui facilitent la création du bien-être personnel, social et économique »[1], est essentiel pour stimuler la croissance économique.

Mais cette notion de capital humain n'est pas restreinte aux individus, puisqu'elle comporte une dimension collective, comme l'illustre la seconde partie de la définition : « le capital humain constitue un bien immatériel qui peut faire progresser ou soutenir la productivité, l'innovation et l'employabilité »[2]. En somme, le développement économique repose en grande partie sur une population qualifiée, dynamique et créative, nécessitant dès lors des investissements de long terme dans l'éducation, la formation et le développement d'infrastructures de télécommunication adaptées permettant de pleinement participer à la révolution technologique en cours.

En Afrique plus particulièrement, la quatrième révolution industrielle ne pourra se faire sans la digitalisation des compétences des actuels et nouveaux arrivants sur le marché du travail. Ce sursaut vers l'industrie 4.0 pourrait alors bouleverser les opportunités d'emploi des 10 à 20 millions de jeunes Africains qui intègrent le marché du travail chaque année[3].

Un fort potentiel africain

L'Afrique est un continent jouissant d'immenses opportunités, mais doit pour autant également relever un certain nombre de défis. Son principal atout dans la nouvelle ère de la mondialisation est probablement sa démographie. Ceci est particulièrement le cas pour l'Afrique subsaharienne, qui, avec un chiffre de 2,7%, connaît le taux d'accroissement naturel annuel moyen le plus important du monde sur la période 2015-2020, contre 1,8% pour le Moyen-Orient et 0,3% dans les pays de l'OCDE[4].

Ce dynamisme démographique est confirmé par un nombre important de statistiques, qui quoiqu'ayant tendance à baisser – l'indice de fécondité y est ainsi passé de 5,9 enfants par femme entre la période 1995-2000 et celle 2015-2020 – n'en fait pas moins de l'Afrique un continent qui devrait compter près de 2,4 milliards d'habitants en 2050[5]. Ce quasi-doublement de la population entraînera de facto un rajeunissement de grande ampleur du continent, puisque près de la moitié de ses habitants aura alors moins de 25 ans.

Si la croissance économique paraît demeurer vigoureuse[6], - en dépit des pressions inflationnistes et des tensions géopolitiques -, elle ne paraît pas en mesure, par elle seule, d'absorber les effets d'une pression démographique si importante. Ainsi, en 2018, l'Organisation Internationale du Travail (OIT) attirait l'attention sur le fait que 94,9% des personnes âgées entre 15 et 24 ans et vivant en Afrique, travaillaient dans l'économie informelle[7]. Par ailleurs, selon les projections de la Banque mondiale datant de 2017, les jeunes représentaient près de 60 % de l'ensemble des chômeurs sur le continent.

De plus, la part de diplômés de l'enseignement supérieur y reste globalement faible, tandis que seulement 30% des jeunes diplômés africains trouvent un emploi dans leur pays[8]. Il faut également ajouter une forte tendance à l'émigration, non seulement intra-africaine, mais à destination des économies plus développées.

Ces quelques facteurs contribuent ainsi à faire de l'Afrique un espace moins bien doté en termes de travailleurs qualifiés : selon la Banque mondiale, « le ratio de scientifiques et de chercheurs au sein de la population du continent est de 79 pour un million d'habitants comparé à la moyenne mondiale de 1 081 pour un million », contribuant dès lors seulement pour un peu plus d'1% à la recherche mondiale en 2017[9].

Le continent dispose toutefois de véritables atouts à faire valoir pour développer son capital humain. Celui-ci est d'ores et déjà en accroissement permanent, avec 11 millions de nouveaux diplômés ralliant chaque année le monde du travail[10]. Le continent est aussi de plus en plus dynamique dans le développement de start-ups[11]. Enfin, le phénomène des « Repats », ces Africains ayant vécu en dehors du continent et y revenant pour entreprendre ou rejoindre des entreprises et administrations après des expériences professionnelles à l'étranger, doit être perçu comme une opportunité majeure à saisir.

Ce mouvement, dont l'ampleur reste relative mais qui pourrait être amené à s'accroître, représente un formidable vivier de talents et de professionnels expérimentés dont le retour en Afrique ne serait que profitable pour le développement socio-économique du continent.

Une dynamique à amplifier

Aussi conviendrait-il que les États mettent aujourd'hui en place des politiques publiques à même de libérer le potentiel de la jeunesse africaine. Théodore Schultz distinguait en 1961, cinq sources d'amélioration du capital humain[12] : la qualité des infrastructures et services de santé ; la formation professionnelle organisée par les entreprises, le système éducatif, les programmes d'étude pour adultes hors entreprise et enfin les migrations des individus pour des raisons professionnelles.

Ces cinq domaines doivent faire l'objet d'investissements continus. Des partenariats doivent également être établis avec des entreprises privées afin de faciliter l'accès à des formations pour les populations, et ainsi leur accès à l'emploi.

L'exemple de l'entreprise Huawei est à ce sujet éloquent. L'équipementier chinois a déployé d'importants programmes et initiatives de formation aux technologies de l'information et de la communication (TIC) à destination des populations. Huawei a ainsi lancé dans la région Northern Africa le programme « Seeds for the Future », dont l'objectif consiste à sélectionner les meilleurs talents dans le secteur des TIC et ainsi développer leurs connaissances dans les technologies numériques. Depuis 2014, plus de 1 600 jeunes Africains de 20 pays ont pu bénéficier de ce programme.

Parallèlement, le géant des infrastructures a lancé le projet « ICT Academy », qui connaît une forte renommée dans la région Northern Africa. En effet, Huawei a créé des ICT Academies dans les 332 meilleurs universités et collèges spécialisés dans les TIC, dans 12 pays de la région, afin d'enseigner aux étudiants des connaissances dans les technologies de pointe. Près de 63 000 talents ont ainsi été formés, preuve de la forte implication de Huawei en faveur du développement du capital humain sur le continent africain.

L'engagement des acteurs privés en faveur de la formation est essentiel, cela permettant par exemple de remédier aux pressions budgétaires – et parfois financières – auxquelles les États sont soumis.  Si l'impulsion en faveur du développement du capital humain doit venir des pouvoirs politiques, l'action des acteurs privés est essentielle, que ce soit en termes de formation, de construction d'infrastructures – numériques, de télécommunication, scolaires, de santé – et pour mener des politiques économiques.

Ainsi, par des incitations fiscales ou par une politique de promotion des compétences locales, il apparaît judicieux d'encourager les entreprises opérant sur le continent à y employer une part croissante de travailleurs locaux, y compris au sein du Top Management. Enfin, une politique de bras ouverts à destination des Africains expatriés en Europe ou aux Etats-Unis peut permettre de créer un cercle vertueux alliant croissance économique, diffusion des connaissances et accroissement du capital humain, lequel est impératif pour générer un développement socio-économique et une croissance de long terme.


[1] « L'investissement dans le capital humain », OCDE, 1998.

[2] « Du bien-être des nations, le rôle du capital humain et social », OCDE, 2001.

[3] « L'Afrique doit prendre le train de l'industrie 4.0 !», La Tribune Afrique, mars 2022.

[4] Dominique Tabutin et Bruno Schoumaker. « La démographie de l'Afrique subsaharienne au XXIe siècle. Bilan des changements de 2000 à 2020, perspectives et défis d'ici 2050 », Population, vol. 75, no. 2-3, 2020, pp. 169-295.

[5] En 2050, plus de la moitié de la population africaine aura moins de 25 ans, AFD, 2019.

[6] Afrique subsaharienne : les prévisions de croissance maintenues malgré la baisse des perspectives mondiales (BM), Agence Ecofin, juin 2022.

[7] Women and Men in the Informal Economy, A statistical picture, International Labour Office, 2018

[8] Former et identifier les futurs talents africains,PWC.

[9] Capital humain : un continent en mal de compétences ?, La Tribune Afrique, septembre 2017

[10] Ibid.

[11] Les start-up africaines démarrent 2022 en trombe, Jeune Afrique, mars 2022.

[12] Theodore W. Schultz, Investment in Human Capital, 1961.

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