La Commission de l'Union africaine (CUA) et le Groupe de la Banque africaine de développement ont conclu une session technique pour voir comment procéder à une future étude conjointe sur les moteurs du développement en Afrique. Intitulée " Key Actions to Drive Inclusive Growth and Sustainable Development in Africa " (Actions clés pour stimuler la croissance inclusive et le développement durable en Afrique), cette étude a pour objectif d'identifier les actions clés à mener pour que l'Afrique puisse atteindre et maintenir un niveau de croissance de 7 % du PIB.
La session, qui s'est tenue les 12 et 13 janvier 2023, a réuni des experts mondiaux, tant en théorie qu'en pratique, du développement économique. Parmi eux, figuraient le professeur Jeffrey D. Sachs de l'université de Columbia, ainsi que d'anciens ministres de l'Économie, des Finances et du Commerce de toute l'Afrique.
L'étude avait été commandée en 2020 par Moussa Faki Mahamat, qui présidait alors la Commission de l'Union africaine, et par Akinwumi Adesina, président du Groupe de la Banque africaine de développement. Il s'agit d'esquisser une feuille de route transformationnelle et d'identifier les actions clés en mesure d'assurer une croissance de qualité dans l'ensemble des pays africains sur la période 2023-2063. Une croissance de 7 à 10 % du produit intérieur brut (PIB) requiert un fort niveau d'inclusion et des progrès dans les objectifs mondiaux de développement durable, les stratégies " High 5 " du Groupe de la Banque et l'Agenda 2063.
L'Afrique a besoin d'une voie nouvelle vers une croissance inclusive et un développement durable pour les trois à quatre prochaines décennies, si l'on veut que le continent passe du statut de revenu faible à celui de revenu élevé, a déclaré l'économiste en chef et vice-président par intérim chargé de la Gouvernance économique et de la Gestion des connaissances du Groupe de la Banque africaine de développement, Kevin Chika Urama.
" Un taux de croissance économique minimal de 7 % par an pendant quatre à cinq décennies est nécessaire pour faciliter la transition des économies africaines du statut de revenu faible vers celui de revenu élevé. On sait que cela permettra de sortir les gens de la pauvreté et d'atteindre les objectifs de durabilité sociale, économique et environnementale ", a indiqué M. Urama.
L'Afrique a le potentiel pour atteindre ces objectifs et dispose de nombreuses stratégies et politiques pour y parvenir, a-t-il ajouté, mais elle n'a pas été en mesure de maintenir des taux de croissance aux niveaux requis pour créer assez d'emplois décents pour les citoyens et accomplir la transformation structurelle requise pour éradiquer la pauvreté dans les pays.
M. Urama a souligné que l'Afrique a été victime de perspectives à court terme et d'une croissance en dents de scie : " Nous avons beaucoup de décollages ratés sur le continent. La recherche doit se concentrer sur les domaines où l'Afrique obtient de bons résultats et, dans ces domaines, sur ceux dans lesquels les pays n'ont pas réussi à comprendre et à trouver des solutions et les actions nécessaires pour y remédier. "
Avant la Covid-19, l'Afrique enregistrait un taux de croissance modeste (4,6 % de taux de croissance moyen du PIB jusqu'en 2019), mais pas assez élevé pour briser le cercle vicieux de la pauvreté. Avec la Covid-19, la croissance réelle du PIB de l'Afrique s'est contractée de 1,6 % en 2020, la première récession depuis plus de 50 ans. Après une reprise impressionnante à 4,8 % en 2021, la croissance moyenne de l'Afrique aurait ralenti à 3,8 % en 2022, selon les estimations. Depuis les indépendances, l'histoire de la croissance de l'Afrique est marquée par la volatilité, a noté M. Urama.
Il a déclaré que, en comparaison avec le reste du monde, l'Afrique n'a pas bénéficié de l'architecture de financement mondiale existante, les niveaux de PIB du continent restant quasi aussi bas que dans les années 1960, lorsque la plupart des pays obtenaient leur indépendance. Ce, malgré ses abondantes ressources naturelles, son potentiel de croissance, son intelligence et ses connaissances.
Albert Muchanga, commissaire de la CUA chargé du Développement économique, du Commerce, du Tourisme, de l'Industrie et des Minéraux, a indiqué que la CUA envisage de présenter l'étude au sommet de l'Union africaine pour examen et mise en œuvre, comme l'un des prochains programmes phares de l'Agenda 2063.
Professeur d'économie de renommée mondiale et directeur de l'Institut de la Terre à l'université de Columbia, M. Sachs a félicité les dirigeants de la Commission de l'Union africaine et du Groupe de la Banque bancaire pour avoir commandé l'étude, qu'il a décrite comme " la meilleure chose " dont l'Afrique ait besoin aujourd'hui. " Un taux de croissance s'élevant à 7 % de manière continue pendant 40 ans est faisable et constitue un bon objectif pour l'Afrique ", a-t-il dit.
L'Afrique pourrait reproduire l'expérience d'autres pays comme la Chine, qui a atteint un taux de croissance d'environ 8 % entre 1980 et 2020, avec une économie et une population similaires à celles de l'Afrique d'aujourd'hui - 1,4 milliard d'habitants.
" Pour que l'Afrique atteigne ce niveau de taux de croissance, il faut que les investissements en Afrique soient beaucoup plus élevés. En Chine, le taux d'investissement par rapport au PIB a été en moyenne d'environ 40 %, et ce, de manière constante. Le taux d'investissement en Afrique a été d'environ 20 % ", a déclaré M. Sachs.
Pour que 20 % de plus du PIB soient investis chaque année, il faut davantage de ressources financières, a-t-il souligné, sur la scène tant nationale qu'internationale.
Financer cette croissance portée par les investissements est important et l'Afrique a besoin d'investissements dans le capital humain, le capital d'infrastructures - qui inclue la numérisation et l'électrification -, le capital commercial et le capital naturel, qui tous exigent des investissements massifs et des politiques ciblées à tous les niveaux.
" Notre travail consiste à établir une feuille de route pour la croissance et pas seulement une analyse historique de ce qu'il s'est passé. Cette feuille de route doit pouvoir être déployée tant par les gouvernements que par l'Union africaine ", a précisé M. Sachs.
La croissance intrarégionale de l'Afrique reste faible et sa part dans le commerce mondial minime, compte tenu de la taille du marché et du potentiel de production du continent, a poursuivi M. Urama.
Malgré les nombreux défis - enjeux structurels, sectoriels et de gouvernance qu'il faut résoudre -, M. Urama reste optimiste : les résultats de l'étude, soutenus par le leadership de la Commission de l'Union africaine et du Groupe de la Banque, conduiront aux résultats souhaités.
" Il existe bon nombre d'exemples de réussites en Afrique et ailleurs, dont nous pouvons nous inspirer comme études de cas pour formuler des recommandations réalisables, applicables et transformatrices dans cette étude ", a déclaré M. Urama.