Les tentacules de l'ingérence iranienne

12 Avril 2024
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InfoWire

La guerre à Gaza et ses répercussions sur le retour des tensions entre le Hezbollah et l'Etat hébreu nous rappelle l'ampleur de l'ingérence iranienne dans la région. Mais le régime des mollahs exerce aujourd'hui une action déstabilisatrice au-delà de ce qui est considéré comme sa zone d'influence traditionnelle. Les risques pour la paix et le commerce mondial sont réels.

Depuis près de cinq mois, le Hezbollah libanais, parti-milice chiite, tire quotidiennement des missiles et des roquettes vers le territoire israélien, mobilisant Tsahal sur son front nord. Autant de soldats mobilisés qui ne sont pas employés sur le front sud, à Gaza. Derrière cette stratégie de diversion : l'ombre de l'Iran, qui ne rate pas une occasion d'utiliser son influence dans la région pour mener des guerres par procuration. Le 1er avril dernier, Israël a riposté par une frappe aérienne visant l'ambassade d'Iran à Damas, que le pays hébreu considère comme la base arrière des opérations qui le visent. Seize personnes ont été tuées dans l'attaque dont le général iranien Mohammad Reza Zahedi, un homme essentiel dans le dispositif d'ingérence iranienne dans la région.

L'arc chiite : le cœur de réacteur de l'influence iranienne

Le croissant allant du Liban à l'Iran dessine le cœur de la stratégie d'influence iranienne et dote Téhéran du statut de grande puissance régionale. Des houthistes au Yémen aux milices chiites d'Irak, du Hezbollah libanais au régime syrien en passant par le Hamas palestinien, le régime des mollahs a peu à peu tissé sa toile dans la région et dispose d'un pouvoir de nuisance réel.

Depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, l'Iran fait preuve d'une certaine prudence, tout comme le Hezbollah, qui doit prendre en compte les réalités locales comme la définition d'une frontière maritime entre les deux pays, qui a fait l'objet d'un accord en avril 2022. L'enjeu est crucial dans un pays du Cèdre exsangue économiquement. Mais les réseaux iraniens restent mobilisés, et Téhéran continue d'actionner les différents acteurs de la région comme un marionnettiste.

Avec 30 000 hommes en armes et une panoplie de missile conséquente, le Hezbollah est une épée de Damoclès au-dessus de l'Etat hébreu. Près de 100 000 habitants du nord d'Israël ont dû abandonner leur foyer depuis le regain de tensions dans la zone frontalière. Le risque de déflagration régionale est important, et Téhéran semble parfois feindre de l'ignorer.

Les eaux tumultueuses de la mer Rouge : une guerre par procuration pour Téhéran

En périphérie de cet arc chiite sous influence iranienne, les houthistes perturbent le trafic maritime en mer Rouge et déséquilibrent le commerce mondial. Opérant dans l'aride arrière-pays yéménite, les rebelles houthis attaquent les navires en mer Rouge et dans le golfe d'Aden, une des routes commerciales les plus empruntées au monde. Depuis quelques jours, les attaques sont moins fréquentes, comme le rapporte le général Alexus Grynkewich, commandant des forces aériennes de l'US Centcom [AFCENT]. Depuis le 31 mars dernier, seuls trois drones – deux aériens et un de surface - et deux missiles antinavires ont été tirés par la milice. Mais l'Iran, qui agit dans l'ombre, est probablement en train de réapprovisionner ses alliés.

Depuis le début de ces attaques en mer Rouge, sous prétexte de représailles de la guerre menée par Israël contre le Hamas, l'Iran fournit aux Houthis des brouilleurs de drones et des pièces détachées de fusées et missiles à longue portée, ainsi que du matériel haut de gamme. Les Iraniens et leurs alliés libanais du Hezbollah envoient également sur place des conseillers militaires pour aider les Houthis à planifier leurs attaques. Le responsable des opérations de Téhéran dans l'ancienne Arabia Felix est un certain Abdolreza Shahlai. Il aurait auparavant supervisé des attaques contre des soldats américains en Irak, preuve de la stratégie globale iranienne dans la région.

Soudan : l'emprise grandissante de l'Iran

Loin de sa traditionnelle zone d'influence, l'Iran actionne d'autres leviers d'ingérence. Le Soudan est le théâtre de cette stratégie. Le pays est déchiré par une guerre civile qui voit s'affronter les Forces armées soudanaises (FAS), dirigées par le général al-Burhan et les Forces de Soutien Rapide (FSR), la milice paramilitaire de Mohamed Hamdan Dagalo « Hemetti ». Dans cette guerre des généraux, l'Iran a clairement pris le parti du général Abdelfattah al-Burhan, à qui elle fournit des drones. L'agence de presse américaine Bloomberg a réuni des indices d'utilisation de drones iraniens Mohajer 6 par l'armée soudanaise à partir d'images satellites d'une base militaire au nord de Khartoum, la capitale du pays, encore aux mains de l'armée régulière. Ces drones sont d'ailleurs vendus à d'autres pays dans le monde : la Russie – qui s'en sert dans sa guerre d'invasion en Ukraine – ou l'Ethiopie, qui les utilise dans ses opérations de répression sanglante contre les milices amharas.

Depuis octobre dernier, la République islamique d'Iran et le Soudan ont opéré un rapprochement diplomatique marqué, inédit depuis leur rupture en 2016. Téhéran exerce depuis lors une action déstabilisatrice pour le pays et éloigne les belligérants de la table de négociations, en soufflant sur les braises d'un conflit qui s'enlise. Le conflit fait peser un risque de déstabilisation sur le Tchad voisin. Des liens humains forts existent entre les deux pays, notamment à travers l'ethnie zaghawa, dont le territoire est à cheval sur la frontière. Le Tchad, pilier de stabilité régionale, pourrait emporter l'ensemble de la région sahélienne avec lui. Une raison supplémentaire de prendre l'ingérence iranienne au sérieux.

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