Alors que la situation sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) se détériore, Kinshasa redouble d’efforts pour obtenir des renforts militaires étrangers face à l’avancée du M23, soutenu par le Rwanda. Des alliances obscures et des recrutement hasardeux qui laissent craindre le pire pour la région.
L’échec des mercenaires européens
En réponse à la faiblesse des Forces armées congolaises (FARDC) et à l’inefficacité de la force régionale de la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC-RF), la RDC a secrètement fait appel à des sociétés militaires privées pour soutenir son effort de guerre contre le M23. Un contingent de 300 mercenaires roumains, opérant sous la bannière de Congo Protection, a été déployé pour piloter des drones de reconnaissance et de frappe.
Mais très vite, la réalité du terrain a rattrapé ces combattants étrangers. Le M23, qui bénéficie d’un soutien logistique avancé du Rwanda, a neutralisé les drones et repoussé les attaques sans difficulté. Fin janvier 2025, après plusieurs revers militaires, les mercenaires ont abandonné leur poste et se sont rendus aux forces de l’ONU à Goma, avant d’être évacués sous escorte vers Kigali.
Cette débâcle a profondément écorné l’image de Kinshasa. Le constat est accablant : même des professionnels préparés et entraînés ne peuvent inverser une dynamique militaire sans structure ni soutien logistique conséquent.
À noter que des rapports indiquent qu’il existe d’autres mercenaires étrangers dans le nord-Kivu, avec des spéculations sur une implication indirecte de la Russie via des groupes liés à Wagner ou d’autres acteurs paramilitaires. Aucune preuve concrète n'a été établie à ce jour. Les experts indiquent que ces options, bien que controversées, pourraient se multiplier dans les prochains mois, au risque de condamner toute issue diplomatique.
Des forces étrangères encore présentes, mais avec un impact limité
Alors que la RDC peine à attirer de nouveaux alliés militaires, certaines forces étrangères restent présentes sur le sol congolais, mais leur rôle est de plus en plus remis en question. La Mission de l'Organisation des Nations unies pour la stabilisation en république démocratique du Congo (MONUSCO), malgré son processus de retrait progressif, maintient encore environ 8 000 soldats en RDC. Après des années d’opérations inefficaces et un rejet croissant de la population, la crédibilité de cette force onusienne est à son plus bas niveau. L’Angola, engagé dans un accord militaire avec la RDC, a déployé un contingent limité de troupes dans le Kasaï, mais leur impact sur le front du Nord-Kivu reste marginal. L’Afrique du Sud, qui faisait partie de la force régionale de la SADC, a maintenu une présence militaire dans certaines régions, mais sans engagement offensif clair contre le M23. Dans la nation arc-en-ciel, l’engagement militaire en RDC devient un sujet de controverse croissante. Si le gouvernement de Ramaphosa continue de condamner les violences dans le Nord-Kivu, l’opinion publique se montre de plus en plus sceptique, notamment après la perte de quatorze soldats sud-africains en janvier 2025. Ce revers a ravivé le débat sur l’intérêt stratégique et politique de cette intervention, ce qui a alimenté des appels au retrait des troupes. Pendant ce temps, le Malawi a acté son désengagement militaire de la RDC, Lilongwe justifiant cette décision par l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu entre les parties belligérantes et la nécessité de privilégier les pourparlers.
Un appel aux forces africaines, entre fin de non recevoir et risque d’internationalisation
Acculée, la RDC s’est donc tournée vers d’autres États africains pour solliciter un renfort militaire officiel. Parmi les pays ciblés, le Tchad, le Niger, le Mali et le Burkina Faso auraient été approchés pour envoyer des contingents capables d’appuyer les FARDC, selon plusieurs sources diplomatiques.
Ces appels à l’aide ont toutefois été accueillis avec scepticisme. Concernant les États sahéliens, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, rassemblés depuis peu au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), ils sont déjà engagés dans une guerre de survie contre des groupes djihadistes. Leur priorité absolue reste la sécurisation de leurs propres territoires, et ils ne peuvent se permettre de déployer des troupes ailleurs, explique un analyste régional sur les questions de sécurité et de paix. “Le Burkina Faso et le Mali, dirigés par des juntes militaires, sont engagés dans des combats intenses contre des groupes djihadistes affiliés à Al-Qaïda et l’État islamique, qui menacent directement leurs capitales. Envoyer des troupes en RDC reviendrait à détourner des effectifs et des ressources vitales dans un contexte où leurs armées sont déjà sous pression. Le Niger, lui aussi fragilisé par une insurrection djihadiste active, a récemment restructuré ses alliances militaires après la rupture avec la France. Niamey doit renforcer ses propres capacités défensives avant d’envisager une quelconque intervention extérieure” , souligne l’expert.
Du côté de N'Djamena, le ton est différent. Le 9 février 2025, le président tchadien Mahamat Idriss Déby a publiquement appelé à une intervention internationale d'urgence, insistant sur la nécessité d'une action coordonnée de l'Union Africaine et des Nations Unies. En évoquant la souffrance prolongée des populations congolaises et la fragilité des efforts diplomatiques, Déby adopte une posture sévère, doublée d’un rhétorique imprudente. Si cette initiative venait à être suivie, cela pourrait multiplier encore les forces en présence, aux méthodes et intérêts déjà douteux, et engendrer une dynamique destructrice. À l’inverse, un échec à mobiliser ces acteurs entérinerait la marginalisation de la RDC et aggraverait l’anarchie sécuritaire. La manœuvre du Tchad semble ainsi contre-productive, qu’importe son issue.
Vers une impasse sécuritaire et un embrasement régional ?
À mesure que les forces du M23 consolident leurs positions et que les solutions militaires traditionnelles échouent, Kinshasa se retrouve dans une impasse sécuritaire. L’isolement diplomatique du pays, combiné à la fragilité des FARDC et aux errements des ses alliés, place la RDC dans une position de plus en plus précaire. La multiplication des acteurs étrangers sur le terrain, qu'ils soient officiels ou non, renforce la possibilité d'un conflit qui déborderait bien au-delà des frontières congolaises, menaçant la stabilité de toute la région. Face à cette déliquescence, la communauté internationale semble impuissante, laissant planer le spectre d'une conflagration du continent.
Désormais, Félix Tshisekedi devra choisir entre intensifier les efforts militaires coûte que coûte ou explorer une alternative diplomatique pour éviter une escalade sans fin. Mais une chose est sûre : l’option militaire ne suffira pas à rétablir l’ordre dans l’est du pays.